Ados derrière les barreaux

René Mouysset, Fayard, 1998, 255 p.

Ancien pilote de chasse et retraité à l’âge de 36 ans, René Mouysset s’engage dans la catéchèse dans un collège. Très vite, il veut jouer un rôle social et agit comme bénévole dans une association de contrôle judiciaire puis comme assesseur au tribunal pour enfants. Jusqu’au jour où en pleine audience, un jeune qu’il est chargé de juger le met au défi d’aller se rendre compte par lui-même de la réalité de la détention et de l’enfermement. C’est le déclic. Il devient visiteur de prison et décide dès lors de se consacrer aux adolescents incarcérés. Sa foi religieuse et son immense compassion lui font percer à jour la réalité des enfants qu’il a en face de lui : « les vrais agresseurs, les vrais criminels sont tous des souffrants. Ils sont souffrants parce qu’ils ont été, d’abord, et tout petits des victimes. » S’intéresser aux coupables ne signifie pas ignorer les victimes. En pleine préparation d’une fête de Noël, il propose aux jeunes incarcérés de signer une lettre de sympathie au docteur Bourgat, père de Nicolas, assassiné en pleine rue, justement par un jeune délinquant emprisonné dans la maison d’arrêt où intervient René Mouysset. Le Docteur Bourgat répondra : « je serai capable d’effacer l’assassin de mon fils de ma mémoire si j’apprends qu’il a accepté sa punition et qu’il est devenu un être humain. Pour le moment, je reste le pire ennemi de ce qu’il représente : un lâche assassin. » (p.68) Celui qui écrit ces mots plein de dignité (il  préface d’ailleurs l’ouvrage) a voulu transcender sa souffrance en impulsant un projet de réinsertion des jeunes en difficulté par le sport. Cette volonté de s’attaquer à la source se retrouve chez Michel, qui a perdu son enfant d’une dizaine d’années violé et étranglé par un jeune conscrit en permission, et qui a lancé lui aussi un projet : l’accueil de ces mêmes jeunes en ateliers d’apprentissage. Ces deux pères-courages viennent illustrer l’une des convictions de René Mouysset : la seule façon de faire reculer le mal c’est de « cultiver le bien ». L’auteur nous invite à aller à la rencontre de bien d’autres jeunes criminels : Laurent condamné pour viol, José pour avoir assassiné de quarante coups de couteau celle à qui il demandait refuge pour la nuit, Grégory, complice d’un viol en réunion. De tous ces gamins perdus, la responsabilité se divise en trois explique l’auteur : une part revient à l’enfant. Ce n’est pas un animal ou un bébé tétant sa mère, mais un être humain devant assumer ses responsabilités. Une autre part revient à la famille et aux proches qui n’ont pas su comprendre, prévenir ou sont directement à l’origine d’une haine ou d’une incapacité à gérer des frustrations, en tout cas d’un échec dans cette alchimie de sévérité et de miséricorde que constitue toute éducation. La troisième revient à la société qui reproche à juste raison les actes de violence aux jeunes, tout en leur fournissant toutes les recettes avec abondance de détails.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°511  ■ 09/12/1999