Les villes face à l’insécurité - Des ghettos américains aux banlieues françaises

Sophie Body-Gendrot, Bayard Editions, 1998, 366 p.

Le constat de l’auteur est très clair : toutes les sociétés occidentales connaissent les mêmes crises de contrôle, d’intégration et de régulation sociale. Mais deux modèles s’affrontent quant aux modalités de résolution de cette situation. En France, la rhétorique relève de la lutte contre l’exclusion et la paupérisation alors qu’aux USA, ce qui l’emporte massivement, c’est la répression. Il est vrai que la criminalité et la violence ont atteint dans ce pays des recors invraisemblables. Ainsi en 1990, on comptait 1 meurtre toutes les 22 minutes, 1 viol tous les 5 minutes et une attaque à main armée tous les 20 secondes. C’est bien un phénomène lié aux particularités de cette nation. Deux villes d’égale importance comme Seattle et Vancouver, mais situées l’une aux Etats-Unis, l’autre au Canada, diffèrent en matière de taux d’homicide au détriment de la première qui subit une pression 65 supérieure à la seconde ! Après une période au cours de laquelle les USA ont largement pratiqué des expériences de réadaptation et de réinsertion de la délinquance, la révolution conservatrice au début des années 80 a délibérément fait le lit des réflexes sécuritaires. Alors que les classes aisées se sont protégées derrière des murs de haute sécurité, les plus pauvres sont confinés dans les quartiers stigmatisés. Les Etats fédéraux, renonçant à toute prévention, se sont engagés dans une politique managériale  consistant à gérer  les effets de la délinquance : accroissement massif du taux d’incarcération des détenus non-violents, élargissement des cas d’application de la peine de mort, incompressibilité et durcissement de nombreuses peines, perpétuité automatique appliquée en cas de double récidive (quelque soit la gravité du troisième délit), suppression de la possibilité de suivre des études ou de pratiquer du sport dans certaines prisons, retour à des formes de punition archaïques et dégradantes, assimilation juridique des mineurs aux adultes … De 1980 à 1992, le budget de la police est passée de 5 à 27 milliards, celui de la justice a été multiplié par 4. En 20 ans, l’Etat de Californie a construit 21 prisons contre une seule université, un étudiant coûtant 6.000 $ contre 4 à 6 fois plus par détenu. Les USA s’enorgueillissent d’un taux de chômage de 4,8%. Mais 2,7% de la population active se trouve derrière les barreaux (soit 1,7 million contre 500.000 en 1980) ou sous surveillance (5 millions). « La prison pourrait être un mode de gestion des chômeurs inutiles envers qui la solidarité ne joue pas » (p.49) estime l’auteur. Parallèlement, les budgets sociaux se sont effondrés. Sophie Body-Gendrot nous propose une étude comparative entre les actions dans des villes comme New York ou Chicago, Strasbourg, Lyon ou Marseille. Elle nous décrit aussi des exemples très intéressants de résistance démocratique menées aux USA à l’initiative de la société civile, les politiciens restant engluées dans le tout répressif seul capable de leur garantir des résultats électoraux.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°485 ■ 06/05/1999