La délinquance des jeunes - Les 13-19 ans racontent leurs délits

Sebastian ROCHE, Seuil, 2001, 305 p.

A qui veut essayer de comprendre la montée de la délinquance des jeunes, Sebastian Roché mérite d’être lu. Il ne se réfugie pas dans une quelconque approche monocausiale qui choisirait entre la démission des familles et la conséquence de la crise économique. Son analyse est toujours, au contraire, la combinaison de facteurs variés. Pour autant, personne n’est épargné : ni la société, ni les familles, ni la police, ni les jeunes, sans qu’aucune catégorie ne serve ici de bouc émissaire. Enfin, l’argumentation de l’auteur s’appuie sur de nombreuses études sociologiques et notamment sur un travail qu’il a lui-même effectué, sur la délinquance auto déclarée, auprès de 2288 adolescents de collèges et de lycées. Tout d’abord, les faits : 75.846 mineurs mis en cause en 1974 contre 175.256 en 2000 : cela fait quand même 230% d’une augmentation qui remonte aux années 1950. Première explication incontournable : celle d’une période de prospérité qui a créé des millions d’opportunités et a donc permis des millions de vols (les rayons des supermarchés provoquant d’autant plus de tentations qu’il sont agencés pour attirer le désir du consommateur). Seconde indication contiguë : la remise de la sécurité entre les mains d’un corps de spécialiste a provoqué un désinvestissement de la société civile qui ne joue plus son rôle de tiers protecteur (un témoin de délit n’intervient plus : tout juste s’il ose appeler la police). Troisième précision connexe : une jeunesse qui fait des études plus longues et met plus de temps à trouver sa place.  Attractivité des cibles, facilité d’y accéder et opportunité d’y être confronté : voilà le premier tiercé gagnant du jeune délinquant. Parmi les facteurs de fragilité, on compte d’abord le sexe masculin sureprésenté du fait même des valeurs de virilité et d’agressivité qu’il véhicule. C’est ensuite, la faible implication et la frustration scolaire qui s’accompagnent d’une mauvaise estime de soi que la transgression tentera de venir rééquilibrer. Du côté des familles, on peut évoquer les situations de fratrie nombreuse, de climat conflictuel, de faible supervision parentale, de négligence ou de maltraitance. La pauvreté et le chômage n’interviennent que combinés à d’autres facteurs. Autre caractéristique marquante de l’étude de Sebastian Roché, confirmée par ailleurs : 48% des petits délits, 86% des délits graves et 95% des trafics sont le fait de 5% des adolescents les plus actifs. Comment réagir ? La délinquance est inversement proportionnelle à l'intensité de l’intérêt dont le jeune a pu bénéficier de la part des adultes qui l’entourent. L’entente des parents avec leurs enfants, les compliments qu’ils leur adressent, la réaction marquante au premier passage à l’acte sont des éléments de prévention essentiels. La légitimité de la règle et de la loi dépend de la relation établie avec celle ou celui qui l’énonce.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°610 ■ 21/02/2002