Enfants privés de liberté - Droits et réalités
Geert Cappelaere et Anne Grandjean, éditions Jeunesse et Droits, 2000, 490 p.
Que ce soit en cellule d’arrestation, en centre de détention, dans une prison ou en institution fermée, on estime à plus d’un million le nombre d’enfants privés de liberté à travers le monde. Pour l’immense majorité d’entre eux, les raisons qui les conduisent à cette situation sont soit dérisoires, soit scandaleuses : vagabondage, mise en danger, troubles physiques ou psychiques ou encore immigration (du fait de l’absence d’établissements susceptibles de pouvoir les accueillir), comportement trop difficile, appartenance à un groupe minoritaire, otages pour contraindre des membres de leur famille à se rendre aux autorités ... En réalité pas plus de 5 à 10% de ces enfants sont incarcérés pour des motifs graves. Les auteurs nous présentent ici une étude qui pour n’être pas exhaustive, n’en est pas moins minutieuse pour ne pas dire méticuleuse. « Les chapitres qui suivent pourraient sembler un peu rébarbatif à certains » conviennent-ils (p.92). Et, en effet, chacun des droits issus des traités internationaux (CIDE et règles pour la protection des mineurs privés de liberté) est inventorié et systématiquement confronté à la réalité quotidienne des enfants emprisonnés : droit à la famille, à un niveau de vie décent, aux libertés civiles et politiques, à l’éducation, etc ... L’inventaire qui s’appuie sur les rapports tant de huit organisations non gouvernementales que ceux fournis par les gouvernements au comité des droits de l’enfant de l’ONU n’est, on s’en doute, guère brillant ! La violation des droits, au sein des prisons, est à considérer en proportion du sort réservé aux mineurs en général dans les pays concernés. Mais, cette incarcération, dont la durée et les conditions dépendent de la capacité de la famille à payer, est trop souvent faite d’atteintes à l’intégrité et à la dignité, depuis les tortures et mauvais traitements jusqu’aux égouts débordant dans les cellules, en passant par les literie, douches et toilettes en nombre insuffisant, du fait de la surpopulation, sans oublier la nourriture indigeste ou avariée. Le livre se termine par la présentation des mesures alternatives à cette privation de liberté. Il y a ce qui relève du mythe répressif (camps militaires à régime disciplinaire, visite de prisons aux écoliers ...) et ce qui est porteur d’espoir : aider les familles tant éducativement que financièrement, aider les enfants à changer leur attitude vis à vis de la violence, déjudiciariser les conflits de faible importance, développer les pratiques de médiation, confronter les jeunes délinquants à des défis extrêmes. Toutes choses déjà expérimentées qui nécessitent néanmoins un développement amplement mérité.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°572 ■ 12/04/2001