Comment la France fabrique ses délinquants
GRANDADAM Louis, Ed. Bayard, 2013, 407 p.
L’ouvrage de Louis Grandadam constitue une véritable mine d’informations à la fois passionnantes et particulièrement bien documentées. L’auteur nous propose toute une série de reportages qui dressent un état des lieux d’une grande pertinence sur le traitement de la délinquance des mineurs. Les acteurs et spécialistes que le journaliste est allé rencontrer témoignent d’une dangereuse régression : en l’espace de quelques décennies, notre pays est passé de la protection de l’enfance en danger à la répression d’une population jeune considérée comme dangereuse. Cette dérive s’est construite, entre autre, autour d’un mythe tenace : l’être humain agirait à partir d’un choix rationnel. A la vision d’adolescents délinquants immatures, carencés et impulsifs nécessitant accompagnement et éducation a donc succédé l’image de jeunes considérés comme responsables de leurs actes et devant être dissuadés par une répression croissante, dont le symbole reste l’instauration d’un Tribunal correctionnel pour mineurs. Alors que la justice des enfants inspira longtemps celle des adultes, c’est la tendance inverse qui s’impose aujourd’hui. L’essentiel des budgets de la protection judiciaire de la jeunesse est centré sur l’enfermement, avec pour mission de remettre les jeunes délinquants dans le droit chemin en l’espace de six mois, tous les foyers proposant des espaces de socialisation, d’éducation et d’insertion sur plusieurs années fermant les uns après les autres. Des alternatives existent, pourtant, comme ce service de studios en ville ou cette association « Odyssée » proposant des hébergements en familles d’accueil. Le tour d’horizon international réalisé par l’auteur permet de mettre en perspective les débats en vigueur sur la délinquance des mineurs avec une lueur d’espoir : la tendance amorcée par les USA à la désinflation carcérale qui concerne en premier lieu les adolescents.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1135 ■ 20/02/2014