La valeur du service public
GERVAIS Julie, LEMERCIER Claire, PELLETIER Willy, Éd. La Découverte, 2021, 476 p.
Les services publics se sont développés à compter de 1820 pour répondre aux pressants besoins d’infrastructures (routes, chemin de fer, télégraphes, canaux …). Ils n’ont cessé de s’étendre depuis. Une brutale remise en cause est intervenue au début du XXIème siècle.
La révision générale des politiques publiques (RGPP) adoptée le 20 juin 2007 par un gouvernement de droite a d’abord décidé du non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Elle a ensuite programmé toute une cascade de restructurations, de fusions et de relocalisations faisant péricliter les équipements : fermeture de 178 tribunaux d’instance et de 21 tribunaux de grande instance, de multiples maternités et d’hôpitaux, suppression de 65 000 postes d’enseignants et de 13 000 postes de policiers, recours massifs à l’emploi précaire dans la fonction publique.
Juin 2012, le nouveau gouvernement de gauche met un terme à la RGPP et la remplace par la Modernisation de l’action publique (MAP) qui conditionne la rénovation des services publics au redressement budgétaire. Les impératifs comptables ont survécu à l’alternance. Les économies réalisées permettront de financer le coûteux crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui n’aura qu’un effet des plus modestes sur l’emploi, mais bien plus important sur les profits des grosses entreprises.
Le 6 août 2019 était votée la loi portant transformation de la fonction publique. Son objectif ? Chercher à défonctionnariser les services publics en favorisant la mobilité avec le privé et en multipliant des emplois contractuels.
La volonté constante des politiques de tous bords est donc bien de s’attaquer aux services publics. Il n’est jamais question de progrès social, mais toujours de coûts à réduire, de réformes à mener pour les rentabiliser, les optimiser et les rationaliser.
Il y a toujours trop de fonctionnaires … mais il n’y a jamais assez de services publics ! Ce livre nous parle des effets de la disparition des 160 000 lits d’hospitalisation. Il décrit la fin de ces fonctions de directeurs en tant qu’agents du service public, transformés en chef d’entreprise les yeux rivés sur les seuls critères financiers. Il évoque l’éloignement spatial de ces services, distanciation encore aggravée par la généralisation croissante du tout numérique. Il dépeint la réapparition d’une différenciation de traitement selon le niveau de revenus.
Surtout, les auteur(e)s rappellent la construction historique de ces services publics et ce qui fonde leurs valeurs. L’égalité d’accès, tout d’abord, pour tous les citoyens, qu’ils habitent la plaine ou la montagne. La continuité, ensuite, d’un service qui ne doit pas s’interrompre mais toujours assurer une disponibilité. La neutralité, encore, tant politique et idéologique que religieuse. L’adaptabilité toujours aux situations les plus diversifiées qui se présentent à lui.
Venue de bonnes familles et formée dans d’excellentes écoles de cadres où elle prend pour exemple le monde des affaires, la noblesse managériale public-privé pilote ces opérations de dépeçage, avec systématisme et conviction. Leur volonté de moderniser les services publics est sans faille, quitte à les massacrer.