Savoir vivre ensemble: agir autrement contre le racisme et la violence

Charles ROJZMAN avec Sophie PILLODS, Syros, 1998, 284 p.

De l’institutrice de maternelle qui ne peut se consacrer qu’aux plus violents de ses élèves (pour les autres, elle n’a pas le temps) aux “ petits frères ” qui optent pour la violence devant  le constat d’échec des luttes de leurs aînés, en passant par les travailleurs sociaux perçus comme des fonctionnaires englués dans leur routine, la situation des banlieues est à certains endroits devenus dramatique.
Ce qui se passe au sein des institutions n’est parfois pas plus encourageant : soumis au manque de reconnaissance et au déficit de communication, les professionnels se sentent menacés, dévalorisés, victimes.
Face à cette réalité, Charles Rojzman intervient à la demande des municipalités ou des organisations confrontées à des situations de crise. C’est à partir de cette expérience de terrain qu’il nous propose une description de sa méthodologie qu’il a baptisée “ thérapie sociale ”.
Première démarche, celle qui consiste à repérer les erreurs à ne pas commettre : identifier un bouc-émissaire et le traiter par la médecine asymptomatique (où il suffit de changer une pièce) ou au contraire se contenter d’incriminer la globalité du problème. Mais aussi, se limiter à une analyse consciencieuse qui ne débouche sur aucune proposition concrète. C’est justement ce que ne veut pas faire l’auteur. Quand il travaille avec les acteurs de terrain, c’est à une véritable thérapie de groupe à laquelle il a recours. Son objet ? Accepter d’entendre ses propres sentiments de peur et de haine et remonter aux souffrances et aux malaises qui en sont la source, tolérer les limites des autres, accepter de se mettre en cause sans pour autant culpabiliser. En un mot, créer de l’intelligence collective pour aboutir à une coopération qui puisse dépasser la méfiance, le mépris et les préjugés. Une telle démarche n’est pas facile quand elle s’adresse à des professionnels tant ceux-ci peuvent craindre qu’en avouant leur souffrance, ils soient perçus comme incompétents. Ils sont nombreux à se carapaçonner et à élever leur seuil de tolérance jusqu’à l’inacceptable.
Pour Charles Rojzman, il ne s’agit pas d’apparaître comme un maître à penser, mais plus comme un facilitateur. Son axe principal est bien de travailler sur l’ambivalence fondamentale de l’être humain : “ nous ne somme pas tous, ni toujours des monstres, mais nous le devenons facilement, dès que la souffrance ou la passion du pouvoir nous aveugle ” (p.9)                                                        

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°457 ■ 08/04/2000