L’enfant différent - Accepter un enfant handicapé
Maurice RINGLER, Dunod, 1998, 176p.
Tout enfant, avant de naître, est anticipé, préparé et rêvé par ses parents. Il est l’héritier de leurs espoirs comme de leurs craintes. Leur responsabilité tient justement dans ces capacités à faire face aux besoins de sécurité et de croissance de l’être qu’ils sont procréé. Celui-ci doit se sentir conforté par leur toucher et leur parole, il doit être reconnu dans une place repérable dans la succession des générations et être l’objet d’un rapport de réciprocité. Il a besoin d’être aimé et admiré pour développer cette estime de soi essentielle à son épanouissement adulte.
Cette description de la fonction parentale permet de mesurer le traumatisme qui intervient au moment de l’annonce du handicap. Au lieu d’être une source de bénédiction et d’accomplissement, l’enfant devient alors source de déception et d’embarras. Le cancer de la culpabilité commence alors à ronger des parents qui se mettent à penser qu’ils sont à l’origine des déficiences qui abîment leur enfant. Plusieurs réactions peuvent s’emparer d’eux : le souci de réparation bien sûr, mais aussi le rejet de la faute sur l’autre (n’y a-t-il pas une cause génétique ?), le déni (qui permet de ne rien ressentir) ou encore l’incoercible besoin de punition (tribut à payer, dette à rembourser). De telles attitudes n’ont rien de pathologiques ni de monstrueuses, tant qu’elles ne se fixent pas. Elles prennent au contraire place dans une ambivalence qui alterne les pulsions agressives et plus positives. Il faut accepter ces affects afin justement de les équilibrer : “ tout devient plus simple, plus clair et surtout moins culpabilisant dès lors que nous cessons de nous défendre contre nos propres fantômes intérieurs ” (p.108)
Pour autant, tout cela, le nourrisson s’en imprègne : il intègre toutes ces émotions et peut alors se vivre comme le “ mauvais objet ” qui fait mal à ses parents.
Et c’est bien là le centre de la démonstration de l’auteur : c’est parce que l’enfant handicapé réveille en nous d’anciennes blessures et déclenche tout un cortège de peurs et d’angoisse qu’il acquière une image mauvaise de lui-même et entrevoir l’avenir avec pessimisme. Il, est en fait avant tout malade de notre regard : “ l’enfant handicapé est en fin de compte un enfant normal ayant assimilé dans sa représentation de lui-même un jugement négatif sur son intégrité ” (p.116). Et Maurice Ringler de plaider pour une authenticité qui ne stigmatise, ni ne surprotège l’enfant. Pour se sentir comme tout le monde, il doit être traité comme tout le monde, sa nature d’être humain passant avant sa déficience.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°465 ■ 03/12/1998