Fratrie et handicap - L’influence du handicap d’une personne sur ses frères et sœurs
Régine SCELLES, L’Harmattan, 1998, 237 p.
On sait l’importance de la relation parents/enfant dans le devenir de ce dernier à l’âge adulte. Mais le rôle joué par sa fratrie est tout aussi fondamental, même s’il bien moins souvent évoqué.
L’auteur, après une étude synthétique sur la relation fraternelle au travers de la mythologie, de la littérature et de la psychologie, nous livre une large enquête réalisée auprès du public concerné.
“ J’ai volé de l’intelligence à ma sœur handicapée ”, “ dans le ventre de ma mère, j’ai pris quelque chose à mon frère ”, “ ai-je le droit de devenir plus performant, moi son cadet ? ”, “ il a du faire de grosses bêtises pour être ainsi puni ” … les représentations des frères et sœurs de personnes handicapées sont nombreuses. Les familles et les professionnels ne prennent pas toujours le temps de faire attention à leur souffrance alors qu’il est si important de leur offrir la possibilité de parler de leur angoisse, de leur culpabilité, de leur douleur de ne pouvoir ni guérir, ni consoler. Et pourtant, après s’être montré trop soucieux du bien-être de leur parents ou de leur pair, il arrive qu’ils deviennent inhibés, agressifs ou superactifs. Peut naître une légitime jalousie qui les rend quatre fois malheureux : du fait de la jalousie-même, de la souffrance de se sentir ainsi, de la peur de blesser l’autre et du ridicule de ne pas réussir à dominer ce sentiment ! Ils peuvent même se mettre en difficulté eux aussi, pensant que c’est là le seul moyen de s’attirer l’affection et l’attention de leurs parents dont ils se sentent parfois négligés. D’où la nécessité de soutenir les parents et des les encourager à rester disponible à leurs autres enfants. Et puis, il y a ces relations sociales bien plus limitées : ils sélectionnent leurs ami(e)s, ne veulent pas ennuyer les autres, ou cherchent à partager leur frère et soeur handicapés. A l’âge adulte, certaines destinées professionnelles sont directement reliées à ce vécu familial (notamment dans nos métiers). Les personnes handicapées survivant de plus en plus souvent à leurs parents, se pose inévitablement la question du relais parfois problématique pour une fratrie qui aspire à souffler.
Mais, ce qui fait le plus souffrir ces frères et ces sœurs, c’est bien de ne pas être considérés comme des interlocuteurs à part entière. Que ce livre permette de corriger cette injustice et contribue à une saine prise de conscience.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°465 ■ 03/12/1998