Penser en images et autres témoignages sur l’autisme
Temple Grandin, Editions Odile Jacob, 1997, 261 p.
Nous avions laissé Temple Grandin en 1994 avec “Ma vie d'autiste”. Nous la retrouvons en 1997 dans un nouvel ouvrage tout aussi poignant. L’auteur est, rappelons-le, atteinte d’autisme. Elle a connu un destin hors du commun qui l’a mené des bancs de l’université à un poste d’enseignante en passant par l’industrie de l’élevage animal dont elle a révolutionné certaines des pratiques. Temple Grandin continue de nous dévoiler son mode de fonctionnement mental et émotionnel. Elle nous aide à comprendre la médiocrité de ses compétences verbales et au contraire l’excellence de ses capacités visuelles. C’est parce qu’elle réussit à transformer les concepts en image qu’elle arrive à les intégrer. Elle explique ainsi les facultés de certains autistes à mémoriser des pages entières qu’ils peuvent consulter ultérieurement à loisir comme s’ils les avaient photographiés. Mais cette accumulation de tant d’informations ne permet pas pour autant de savoir les utiliser, pas plus que d’intégrer les règles de vie sociale. A ces troubles cognitifs peuvent aussi se rajouter des troubles sensoriels : audition intermittente, vision peu fiable, confusion entre les sons et les couleurs. De plus, le report d’attention du stimulus auditif au stimulus visuel prend du temps ce qui rend difficile le suivi des changements rapides qui se produisent au cours d’une interaction sociale complexe. Et puis il y a la vie sentimentale de la personne autiste qui reste très proche de celle de l’animal du fait de sa simplicité. Le ressenti d’émotions simples est possible tels la peur, la colère, le bonheur ou la tristesse. Mais au-delà, tout sentiment plus complexe n’est pas intégré : comment s’émouvoir d’un coucher de soleil demande l’auteur ? La découverte de nouvelles pistes pour soigner l’autisme est toujours une bonne nouvelle explique Temple Grandin. Mais attention aux solutions-miracles : il vaut mieux concentrer ses efforts sur la qualité de la prise en charge éducative. Rien ne remplacera les programmes de socialisation et d’enseignement spécialisé qui lorsqu’ils réussissent, provoquent l’affaiblissement d’un grand nombre de symptômes autistes.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°435 ■ 26/03/1998