Louis, pas à pas
PERRIN Gersende et Francis, Ed. JC Lattès, 2012, 249 p.
Loin de toute idéologie et de tout dogmatisme, le témoignage de Gersende Perrin, complétée en contrepoint par son mari, est à la fois émouvant et édifiant. Présenté au jour le jour, à la manière d’un journal intime, son récit montre la détresse et le désespoir qui envahissent deux parents confrontés au mal qui ronge Louis, leur enfant : blocage moteur, impossibilité de capter le regard, limitation de l’alimentation aux seules bouillies, nuit sans sommeil, auto agression, mutisme, gestes répétitifs, terribles et violentes colères irrépressibles. Cet accablement va s’enkyster, au gré des rencontres avec le corps médical. Pédiatres, pédo-psychiatres, médecins, psychanalystes… tous semblent rivaliser d’ignorance et d’inculture, face au diagnostic qui finira par s’imposer : Louis souffre d’autisme. L’abattement de ses parents va s’inverser, quand ils vont se tourner vers le traitement ABA. Très controversée dans notre pays, cette méthode relève de l’approche comportementaliste. Chaque compétence que l’on cherche à développer chez l’enfant fait l’objet d’un protocole strict décliné en une multitude d’étapes destinées à le faire progresser pas à pas, dans son autonomie. Là où la psychanalyse se concentre sur la recherche de l’origine inconsciente du mal, ce procédé s’intéresse aux apprentissages de l’enfant, utilisant récompenses et félicitations, comme renforcement de toute avancée réalisée, aussi minime soit-elle. Et pour Louis, les progrès vont être spectaculaires, l’enfant apprenant progressivement à remplacer ses comportements inadaptés et envahissants, par d’autres socialement adaptés. Louis se met, enfin, à dormir la nuit. Il commence à parler. Il réussit à descendre l’escalier tout seul. Il absorbe une nourriture comportant des morceaux. Il apprend à lire et à écrire. Enfin, il reproduit ce qu’il a appris, avec d’autres personnes que celles qui le lui ont enseigné. Rien d’étonnant à ce que les époux Perrin fassent la promotion de la méthode qui a permis à leur enfant de tant progresser. Ils s’engagent comme soutien, et non comme adeptes d’une secte, tel que trop souvent en sont accusés les partisans de l’approche d’ABA. Qu’une autre méthode encore plus efficace leur soit proposée et ils l’adopteront aussitôt. Surfant sur sa notoriété, Francis Perrin réussit à médiatiser son expérience, réalisant en octobre 2008 un émouvant reportage pour Envoyé spécial qui lui avait donné « carte blanche ». Mais, les épreuves sont loin d’être terminées. Alors que Louis a réussi à acquérir nombre de comportements lui permettant de s’intégrer à l’école, il sera refusé en septembre 2011, par l’enseignante qui devait l’accueillir dans sa classe. Constat pathétique du retard accumulé par une société qui n’a pas cessé de stigmatiser les enfants avec autisme et leur famille.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1093 ■ 14/02/2013