Autisme. Donner la parole aux parents

ALLIONE Marie & Claude, Ed. Les Liens qui Libèrent, 2013 212 p.

Elles sont vingt, ces familles d’enfant, d’adolescent ou d’adulte avec autisme à avoir accepté un entretien non-directif, dans six villes et six départements différents. Leur particularité ? Travailler avec des équipes se réclamant de la psychanalyse. Et elles décrivent, sans hésitation, leurs relations avec ces professionnels actuellement si décriés. Marie et Claude Allione se réclament de l’héritage de Freud. Mais, leur propos ne se résume pas à une défense et illustration de la doctrine et à une attaque en règle contre le grand Satan cognitivo-comportementaliste. Bien au contraire, tout en défendant leurs convictions, ils exposent avec pédagogie et neutralité les différentes formes de thérapie à l’œuvre, que ce soit le traitement médicamenteux, la psychothérapie par le jeu, la méthode ABA ou le packing. Ils reconnaissent bien volontiers l’arrogance, le langage obscur et le mépris pour tout ce qui diffère de leur pensée, arborés par nombre de psychanalystes qui ont souvent confondu les métaphores qu’ils utilisent avec la réalité de la souffrance, ont tout aussi fréquemment fait l’étalage de leurs certitudes et refusé tout débat, persuadés de détenir de toute façon la vérité. Cette discipline « a oublié qu’elle était d’abord une quête tâtonnante du sens et non une série d’affirmations péremptoires toutes faites » (p.46). Pour autant, ils en appellent à ne pas placer tout le monde dans le même panier. Les accusations récurrentes contre la tyrannie de doxa dominante (signalement aux services sociaux quand les parents veulent retirer les enfants aux équipes, mise en accusation des mères …), pour sans doute avoir effectivement existé, ne sont pas représentatives des pratiques psychanalytiques. Les propos des parents, rapportés dans l’ouvrage, le confirment, eux qui témoignent d’une écoute attentive et respectueuse, du dévouement et de la disponibilité des équipes, … une véritable confiance réciproque s’est établie entre les familles et les soignants. Il ne faudrait pas que la culpabilisation des parents par certains psychanalystes se transforme en culpabilisation des parents qui travaillent avec des psychanalystes. Les auteurs condamnent la guerre de tranchée engagée, depuis quelques années, et en appellent à une complémentarité et à une approche polyphonique. Les mauvaises langues ricaneront, en remarquant qu’il aura fallu que la psychanalyse commence à vraiment prendre des sals coups, pour que certains de ses partisans donnent dans l’œcuménisme. Gageons qu’il y aura bien sûr, dans chaque camp, des sectaires pour défendre la pureté de leur foi et condamner toute compromission avec l’ennemi. Saluons néanmoins l’essai lucide et courageux de Marie et Claude Allione qui mérite d’être lu pour la pondération de son propos.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1093 ■ 14/02/2013