Les jeunes, les drogues et leurs représentations

Pascal LE REST, L’harmattan, 2000, 188 p.

Professeur de mathématiques, 13 ans durant,  Pascal Le Rest est devenu éducateur spécialisé et ethnologue. Il intervient en prévention de l’alcoolisme et de la toxicomanie auprès d’enfants d’âge primaire et de jeunes de collège et de lycée du département de l’Eure et Loire. Il nous livre, dans cet ouvrage, le fruit de ses réflexions et de sa riche expérience. D’un côté, il nous décrit un monde d’adultes si étranger aux adolescents qu’il leur impose une violence, trop souvent non dite. Il nous présente des familles refusant d’instaurer des relations verticales, forme de déni de l’ordre des générations comme autant de prétention à évacuer la mort. Il nous parle d’une société effaçant de plus en plus ces rites d’initiation si indispensables à l’apaisement des angoisses et à l’attribution du sens. De l’autre côté, il y a cet âge de l’être humain, si fragile et si propice à la dépressivité et au doute existentiel. Il nous rappelle la renarcissisation nécessaire à ce moment de la vie pour permettre de traverser avec le moins de souffrance possible l’alternance des phases d’ennui, de deuil, de tristesse et de tension, d’excitation et d’espoir.  Cette adolescence si propice aux conduites agies, somatiques ou transgressives révélant le mal-être et la difficulté à trouver sa place. Entre les deux, il y a ce formidable moyen de se mettre à distance ou de mettre l’autre à distance que constitue la prise de toxique. La prévention, pour être un tant soit peu efficace, ne doit pas se cantonner aux produits et aux mises en garde culpabilisantes ou répressives, mais doit s’élargir à ce qui relève des domaines affectifs, relationnels et sociaux. Il faut être avant tout attentif au jeune, présent à lui, à son vécu, à ses représentations, prendre la distance nécessaire avec son savoir et ses techniques, pour être surtout disponible à ses difficultés et à sa parole. Car, « les adolescents reprochent souvent aux adultes de ne pas les écouter, de ne pas entendre leur souffrance. » (p.112) Pascal Le Rest rend compte d’une manière détaillée de ses diverses interventions au sein des établissements où il a été invité. Il nous fait entrer dans cet univers des 6ème encore convaincus des effets néfastes des produits toxiques, des 5ème qui commencent à en user, des 4ème qui ne les déprécient plus dès lors qu’ils sont associés avec des moments de fête et des 3ème qui sont plus attirés par un échange sur leur rapport au monde. Et puis cette liste de drogues citées spontanément par les élèves qui exclue quasiment systématiquement l’alcool auquel la plupart des familles initient leurs enfants très tôt, banalisant par là-même, son usage. Sans oublier cette conscience de la nocivité des produits toxiques, des problèmes de dépendance et de maladie qui en sont la conséquence. Plus que jamais, au-delà de la nécessaire information, ce qui compte, c’est finalement de démontrer à l’adolescent ce qu’il a à gagner à devenir adulte.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°552 ■ 02/11/2000