L’enfant du silence - Histoire d’une schizophrénie

Françoise SALOMON, édition Odile Jacob, 1998, 346 p.

Le médecin a laissé tomber brutalement son diagnostic concernant Julien : “ schizophrénie évolutive et incurable ”. Commence alors pour Marianne une très longue plongée en enfer. La pathologie mentale dont est atteint son fils, presque adulte, est très grave et très invalidante qui nécessite de lourds traitements chimiques. Lorsque la crise survient, elle se traduit en terribles gémissements puis en cris rauques suivis de sanglots secs et de tremblements effrayants. Et puis il y a ces poussées d’angoisse et de paranoïa : “ la ville entière sait, ou plutôt, croit savoir qu’il est Jésus Christ et qu’il peut faire des miracles. Comme il refuse, on l’espionne pour le forcer à agir. D’où les micros, les caméras, le courrier volé, les regards insistants dans la rue. Il est visiblement terrifié ”. Seule un cocktail impressionnant de médicaments lui permet de tenir : il se transforme alors en bloc de béton ne desserrant jamais les dents et ne sortant de sa chambre que pour avaler à toute vitesse ses repas. Julien est conscient de son état et de sa dérive. Aussi multiplie-t-il les tentatives de suicide. A peine une amélioration semble acquise, et c’est la rechute. Marianne va être confrontée aux pires moments que peut craindre une mère : hospitalisation aux urgences, échecs dramatiques de mise en studio (dont l’un partant en fumée faillira emporter Julien qui en sort gravement brûlé et défiguré), hébergement tout aussi catastrophique dans la maison familiale … Quand, à l’issue de sa dernière hospitalisation, un projet d’autonomie en studio est avancé, Marianne s’y oppose farouchement. Pourtant cette ultime solution se concrétisera et tiendra.

Ce livre est écrit avec les larmes et les tripes d’une mère-courage qui nous décrit son combat de plus de 10 ans. Pendant cette période, elle a rencontré la sollicitude des professionnels du secteur médical : “ ils parviennent à garder le sourire et à humaniser cet univers effarant et parfois insupportable ”, mais aussi son jugement : “ les parents étaient traités non seulement comme des suspects, mais comme des coupables avant même que l’instruction ne fut terminée et que le procès ait pu avoir lieu réellement. ”. Mais ce qu’elle a surtout subi, c’est cet isolement qui ne sera rompu que tardivement par sa rencontre avec l’Union Nationale des Amis et Familles de Malades Mentaux. Ce témoignage est une fantastique leçon de ténacité et de farouche obstination dont beaucoup de parents font preuve trop souvent dans l’indifférence et la résignation des autres.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°453 ■ 10/09/1998