Le malade mental à l’épreuve de son retour dans la société

Eliane CARIO, 1998, L’Harmattan, 236 p.

“ Le comportement d’une société envers ses malades mentaux est un des meilleurs témoignage de son degré de civilisation ” affirmaient les premières Rencontres psychiatriques d’après guerre. Et c’est vrai que, pendant des siècles, la maladie mentale n’existait pas. Plus exactement elle était identifiée soit à un don de prophétisme soit à la monstruosité. Au XVII ème siècle, la répression de l’errance aboutit au “ grand enfermement ” qui va aussi concerner les “ fous ”. Mais, il faudra attendre le XIXème siècle pour que soit clairement distingué ce qui relève respectivement de la répression judiciaire, de l’intervention religieuse et du traitement médical proprement dit. A l’issue de la seconde guerre mondiale, se développe tout un courant humaniste qui critique l’internement et préconise l’ouverture sur la société. L’activité extra-hospitalière dite en milieu ouvert devient alors progressivement le nouveau paradigme. Cette orientation s’impose d’autant plus que les restrictions budgétaires viennent confirmer la suppression des lits d’hôpitaux ! Restait à mesurer les effets pour les malades mentaux de cette nouvelle politique. C’est ce qu’a tenté de faire Eliane Cario, assistante sociale en psychiatrie, en procédant notamment à une enquête auprès des patients et des soignants d’un hôpital de jour. “ Retrouver une place dans la société ne va en effet pas de soi pour le malade mental ” du fait “ de l’important écart de conduite qui jette le trouble dans le milieu social ” (p.21) explique-t-elle en parlant d’une nouvelle forme d’aliénation. Le chemin qui conduit à l’insertion sociale passe par la capacité à s’inscrire dans le temps et dans l’espace, à se mettre en scène pour interagir avec l’entourage et à entretenir des liens durables. Les difficultés rencontrées se cristallisent d’abord bien sûr autour de l’intégration dans le tissu économique avec notamment le défi que représente trouver un emploi même adapté dans un contexte de crise. Mais c’est aussi la réadaptation nécessaire pour des personnes déstructurées à retrouver des repères et des modes de fonctionnement intégrés. C’est à cette réalité que sont confrontés les intervenants qui doivent compenser ce handicap de départ et évoluer dans leurs pratiques notamment en renforçant la synergie des équipes et en structurant et renforçant leur réseau afin d’éviter aux malades mentaux de passer de main en main.                                   

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°472 ■ 04/02/1999