Etude psychopathologique des tentatives de suicide chez l’adolescent et le jeune adulte

Sous la direction de Philippe JEAMMET et Elisabeth BIROT, puf, 265 p., 1994

Le taux de suicide baisse nettement pendant les guerres et augmente dans les situations de crise. Son accroissement est parallèle à celui du niveau économique et à l’occidentalisation du mode de vie. Un peu comme si l’individualisation marquée de l’évolution sociale favorisait le recours à l’agir au détriment de l’intériorisation des conflits.

Une équipe de chercheurs a essayé d’approfondir cette question: dans l’intrication du social, de l’économique, du culturel et de la conduite individuelle qui est à l’origine de ce geste fatal, ils ont privilégié une étude psychopathologique approfondie. Il s’agissait de tenter d’objectiver dans la mesure du possible la dynamique de fonctionnement mental de l’adolescent suicidant. A cet effet, un groupe de 149 suicidants âgés de 13 à 25 ans a été soumis à un entretien structuré à partir de plusieurs grilles d’analyse. S'est trouvé ainsi confirmé un certain nombre de caractéristiques: importance des difficultés personnelles (tant scolaires, que familiales et individuelles), tendance à l’agir (fugues, colères, crises d’angoisse...) et enfin vulnérabilité psychique. Cette dernière particularité comporte à la fois la difficulté à répondre aux traumatismes extérieurs, la faiblesse des mécanismes d’élaboration, l’impossibilité de se représenter dans la continuité, de se projeter dans l’avenir et à maintenir un investissement suffisamment positif de soi-même.

Le geste suicidaire est-il un appel à l’aide ou une simple conduite d’auto-mutilation ? « Si la mort invoquée n’est pas toujours la mort biologique, elle est en tout cas discontinuité absolue, limite infranchissable » (p.122) Il a bien pour objectif un désir de changement radical par rapport à l’état antérieur, une tentative de rupture, voire de renaissance. La récidive concerne une frange très large de la population des suicidants: les réaménagements qui peuvent permettre d’apporter une aide efficace relèvent d’une part de la qualité de l’étayage fourni par l’environnement et une éventuelle relation thérapeutique, et d’autre part, sur le rétablissement de défenses narcissiques efficaces.

La recherche qui fait l’objet de cette étude menée par 17 spécialistes vient prendre place dans toute une série de travaux qui ont été consacrés à cette question depuis 1955. Il faut noter la forte imprégnation psychanalytique qui la caractérise. On y apprend sans coup férir, que le geste suicidaire provient de « cette impossibilité pour le sujet d’élaborer son exclusion de la scène primitive » (p.121): il s’agit de la scène des parents faisant l’amour et dont serait témoin réellement ou fantasmatiquement l’enfant.  L’idée suicidaire quant à elle représente une « appel à une irreprésentable Ancêtre » (p.146):il s’agit du père de la horde primitive tué par ses enfants. Sans oublier que pour le garçon, « la position passive homosexuelle de l’oedipe négatif le précipite précisément vers cette problématique de castration » (p.174). C.Q.F.D. !

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°368 ■ 10/10/1996