Mort ou fif - La face cachée du suicide chez les garçons
Michel DORAIS, VLB éditeur, 2001, 126 p.
Tous les jeunes qui découvrent leur homosexualité ne font pas une tentative de suicide. Mais cette circonstance multiplie par 16 le risque de passage à l’acte. Il n’y a rien d’étonnant à cela, tant la stigmatisation sociale est encore forte concernant cette orientation sexuelle. Chaque année, des dizaines de jeunes continuent de mourir parce qu’il se croient seuls au monde ou monstrueux et sont victimes de l’intolérance, de l’incompréhension et pour tout dire la bêtise de leurs contemporains. Car l’homophobie, que le parlement français vient récemment de refuser de placer au même niveau que le racisme ou l’antisémitisme, provoque des dégâts considérables, surtout quand elle s’attaque aux adolescents. L’étude sociologique québécoise (fif est la traduction locale de pédé) qui nous est présentée ici est terrible. Elle s’appuie sur l’entretien avec 32 jeunes hommes (dont 25 ont fait une tentative de suicide). Que le jeune homosexuel soit précoce (attitudes ou goûts féminins apparaissant très tôt) ou tardif (construction alors d’un itinéraire hétérosexuel, puis révélation, à la surprise générale), il lui est très difficile d’annoncer son orientation à sa famille (même si dans la première situation, ce n’est pas forcément une surprise). Le jeune est tout particulièrement sensible au regard de son père et à l’amour de sa mère. Ses craintes sont parfois fondées : il peut arriver que cette information déclenche une grave crise pouvant entraîner une mise à la porte. Un jeune, stigmatisé en raison de la couleur de sa peau ou de son handicap, peut compter sur la solidarité de sa famille. Ce n’est pas toujours le cas pour l’adolescent homosexuel. Toutes les familles ne dramatisent pas ainsi : « une famille aimante a toutes les chances d’aider un garçon à s’accepter tel qu’il est, à reprendre courage, voire à faire face à l’ostracisme » (p.65) Et pourtant, ce soutien est essentiel à la confrontation au monde extérieur et plus particulièrement à l’école. Le danger que le jeune y court n’est pas seulement théorique : il peut s’y faire harceler ou violenter sans bénéficier pour autant de la protection des adultes. Pire, il peut même se voir porter la responsabilité de la situation quand on lui demande de ne pas répondre aux provocations ou de se faire discret : la victime devient presqu’alors la cause du problème. Il ne s’agit pas ici d’encourager (pas plus d’ailleurs que de décourager) une orientation sexuelle mais de défendre l’idée que la diversité fait partie de la pluralité humaine et que l’intolérance est à proscrire. Présenter l’homosexualité comme un choix tout aussi positif que l’hétérosexualité (et non comme une honte qu’il conviendrait de cacher), démystifier les croyances erronées et les préjugés constituent le défi qui permettra d’améliorer le sort des jeunes qui optent pour cette voie. Après le virage de l’égalité des sexes, celui de l’égalité des genres reste à suivre.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°667 ■ 22/05/2003