Maltraitance psychologique

Marceline GABEL, Serge LEBOVICI, Philippe MAZET, Fleurus, 1997, 359 p.

Les intervenants médicaux, socio-éducatifs, psychologues ou judiciaires ont appris depuis quelques années à repérer et à évaluer les maltraitances physiques ou sexuelles. Elles sont le plus souvent « objectivables » et peuvent faire l’objet d’une saisine par la justice à partir d’un corpus de preuves. Il en va tout autrement de cette maltraitance psychologique qu’on a coutume de nommer cruauté mentale et qui fait l’objet de la série de contributions présentées ici aux éditions Fleurus. Tout aussi destructeurs que les coups, les mots et les attitudes brutaux ou insensibles peuvent laisser dans les profondeurs de l’enfant des cicatrices psychiques durablement invalidantes. Ce qui est directement en cause, ce sont la constitution et la mobilisation de ce sentiment d’estime de soi et de confiance en soi qui détermine le fondement de la relation de l’être humain avec son entourage. De nombreuses recherches effectuées pour tenter de dresser une typologie, on retiendra celle réalisée en 1987 par Hart et Brassard qui retient 6 formes de mauvais traitements psychologiques. C’est d’abord le rejet qui s’exprime dans la non-reconnaissance de la légitimité des besoins et des demandes de l’enfant qui sont sous-estimés, voire niés. Vient ensuite le dénigrement qui le prive de sa dignité. Le terrorisme, lui, se manifeste sous la forme d’un climat menaçant, capricieux, imprévisible à son égard. L’isolement et le confinement se traduisent par la coupure de tous les contacts sociaux qui l’entourent. L’indifférence face à ses demandes affectives le plonge dans une ambiance d’abandon et de désintérêt massif. La corruption et l’exploitation cherchent à favoriser chez lui des comportements anti-sociaux (vol, agression contre d’autres enfants). Enfin, une huitième caractéristique a pu être rajoutée, qui pourrait être la négligence apportée aux soins, à la santé et à l’éducation. De tels critères s’entendent dans une logique de fréquence et de durée. Ce registre des relations pathologiques entre adultes et enfants s’inscrit dans la non-parentalisation ou la déparentalisation des adultes géniteurs, la non-humanisation ou la déshumanisation des demandes pulsionnelles des enfants vécues comme nulles et non-avenues voire persécutrices et l’inexistence ou la destruction des interdits fondateurs d’humanité (inceste et meurtre). Ces comportements perturbent durablement la vie affective de l’enfant qui dans les plus mauvais des cas se transformera en inadapté social passif ou deviendra actif à tous les degrés de la délinquance et de la psychopathologie. Mais ce destin, le sujet n’y est pas soumis d’une manière inéluctable. On connaît ces fratries marquées pour les uns par une extrême vulnérabilité, pour les autres au contraire par d’étonnantes ressources parfois insoupçonnées pour faire face à l’adversité. Le concept de résilience vient justement mesurer cette capacité, face à des conditions difficiles et déstabilisantes à rebondir, à continuer son chemin et à fonctionner de façon efficace en préservant ses compétences.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°404 ■ 26/06/1997