Les Cahiers de l’Actif

Janvier Février 1997 (269 avenue Maurice Planès B.P. 55104- 34072 Montpellier Cedex 3)

Les Cahiers de l’Actif ont proposé en début d’année 1997 un numéro dont le dossier central était consacré aux violences institutionnelles. Cela fait un peu plus de 10 ans que le voile recouvrant la maltraitance intra-familiale a commencé à se déchirer. Le mouvement de balancier si familier à notre fonctionnement collectif, penche ces temps derniers du côté d’une logique quasi-hystérique. « Il semblerait, explique Pascal Vivet, que certains veuillent voir des victimes des violences sexuelles partout, en tout lieu, en toute époque, à tout moment. » Un peu comme si la conscience collective voulait compenser l’aveuglement et le déni qui l’ont caractérisée durant des dizaines d’années. Pour autant, ce mouvement a dépassé la sphère privée du cercle familial pour s’interroger sur ses implications au sein même des institutions et plus particulièrement de celles chargées de la protection de l’enfance en danger. Initiateur de cette prise de conscience, l’ouvrage de référence de Pascal Vivet et de Stanislas Tomkiewicz (« Aimez bien, Châtiez bien ») mais aussi les excellents travaux du CREAI Rhône-Alpes (cf Lien Social n° 321) sont l’un et l’autre repris dans le dossier des Cahiers de l’Actif. Au coeur des violences institutionnelles: le sentiment d’impuissance pour guérir le symptôme de l’enfant en souffrance. Son refus d’aller mieux nous est insupportable et prépare le lit de notre propre violence affirme Marcel Klajnberg, Juge des Enfants à Grenoble. A cela se rajoutent la fatigue, le travail trop en solitaire, la tension nerveuse, la peur et l’agressivité. Si les conditions de travail et surtout la confrontation aux conflits intrapsychiques des populations prises en charge peuvent expliquer certains gestes d’exaspération, en aucun cas l’explication ne peut s’identifier à une justification: aucune circonstance quelles qu’elles soient ne peut autoriser une sanction sous forme de violence physique. Pour autant, rappelle Paul Durning, la violence brutale n’est pas la seule existante. Encore faut-il évoquer la négligence, le délaissement, la sous-stimulation qui correspondent plutôt à des maltraitances par carence. Routinisation de la vie quotidienne, centration des adultes sur leurs problèmes collectifs, globalisation de l’action socio-éducative constituent certains des signaux d’alerte auxquels doivent être opposées la solidarité professionnelle (un relais éducatif doit pouvoir être assuré quand une situation d’interaction apparaît bloquée), l’équilibration entre action éducative individuelle et collective et la transparence de la vie institutionnelle. Stanislas Tomkiewicz nous rassurera enfin en expliquant que le niveau de violence dans nos institutions se situe parmi les plus bas du monde notamment en comparaison avec les pays anglo-saxons et germaniques. Ce qui n’empêche nullement bien au contraire d’y apporter toute l’attention voulue pour justement préserver cette avance.
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°405 ■ 03/07/1997