Violence et secret - Soigner et protéger ou dénoncer et punir

Textes présentés par Françoise Kohler, Edition Séli Arslan (14 rue du repos 75020 Paris), 1997, 192 p.

Fin 1995, se réunissait à Cambrai un colloque qui proposait aux professionnels confrontés à la question de l’enfance maltraitée de réfléchir aux notions de violence et de secret.

Au coeur du secret, on trouve la notion de secret professionnel. Le nouveau code pénal laisse aux intervenants qui y sont soumis la responsabilité de la révélation d’un éventuel mauvais traitement ou de l’abus sexuel. Si ceux-ci perdurent sans qu’il ne les dénonce, ils encourent alors une condamnation pour non-assistance à personne en danger. Mais que dire du « secret partagé » qui n’a aucune existence légale. C’est là pourtant l’occasion de nombreux déballages qui vont au-delà du strict nécessaire, notamment la sacro-sainte synthèse, ce temple où viennent officier une kyrielle de partenaires.

La violence, c’est aussi celle subie par l’enfant au moment de l’enquête et de l’instruction et qui vient se rajouter au traumatisme initial. D’où l’importance des procédures qui se mettent en place progressivement et qui repond à la fragilité de l’enfant. Il en va ainsi de la tierce-personne présente en certains endroits du territoire tout au long de la procédure (comme à Calais dont un gendarme est venu exposer les nouvelles pratiques). C’est aussi l’attention toute particulière donnée au premier examen médical. En respectant la pudeur de la victime, ce moment est propice à l’apaisement, à l’écoute et à un véritable travail thérapeutique. Les larmes qui accompagnent cette entrevue, si elles sont le signe de la tristesse et de la tragédie, cessent d’être celui de l’horreur et du désespoir.

Le secret et la violence sont à la croisée de la relation entre le thérapeutique et le juridique. Le juge et le psychiatre, le procureur et le travailleur social devraient être partenaires. Existe toutefois une méfiance réciproque. Le colloque en a été l’illustration. Les magistrats ont à leur actif de multiples exemples de non-dénonciation de la part d’intervenants médico-sociaux aux conséquences dramatiques pour les enfants. Et inversement, les cas de classements sans suite, de non-lieu ou de relaxe foisonnent, décrédibilisant la justice aux yeux des plaignants. Entre le modèle judiciaire (tout mauvais traitement est un délit qui doit impliquer une procédure pénale base de la restructuration de la victime) et le modèle psycho-médico-social (le mauvais traitement est avant tout un dysfonctionnement familial, chacun doit avant tout recevoir une aide), n’y a-t-il pas de place pour une voie moyenne qui jugerait au cas par cas de l’opportunité de chacune de ces options, comme cela semble se passer très bien en Belgique ?

Pédiatres, psychiatres, juges, avocats, assistantes sociales ont longuement échangé leurs points de vue respectifs qui pour être divergents n’en sont pas pour autant antagonistes. Une meilleure articulation est nécessaire. Tout le monde en convient. Reste à trouver les moyens d’y arriver.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°411  ■ 25/09/1997