Maltraitances institutionnelles - accueillir et soigner les enfants sans les maltraiter

Marceline GABEL, Frédéric JESU, Michel MANCIAUX, Fleurus, 1998, 305 p.

Les éditions Fleurus viennent de publier les actes du colloque qui s’était tenu le 15 décembre 1997 sur les maltraitances institutionnelles et dont Lien Social s’était fait un large écho dans son numéro 431. Cette parution fait suite à la publication depuis 1993 des travaux des journées portant respectivement sur « le maintien des liens », «répétition et évaluation » et sur « les maltraitances psychologiques ».  Pour ce qui est du séminaire « accueillir et soigner les enfants sans les maltraiter », le lecteur pourra plonger avec beaucoup d’intérêt dans des contributions de grande qualité. Les domaines abordés par les intervenants sont très diversifiés. Myriam David dresse le bilan de l’hospitalisme 55 ans après les travaux de Spitz. Annie Gauvain-Picquart rappelle le retard du secteur sanitaire en matière de prise de conscience sur la douleur de l’enfant. Michèle Vial-Courmont décrit l’expérience passionnante menée au sein de la maternité néonatale de Clamart pour sensibiliser le personnel sur le confort du nouveau-né. Et puis, il y a le terrifiant exposé de Françoise Weil-Halpern sur les conséquences de l’ère de Ceausescu en Roumanie en matière de politique de l’enfance. Face à la multiplicité des situations susceptibles de menacer l’équilibre ou la dignité de l’enfant, il est important de rappeler le propos de Patrick Ayoun, psychiatre de son état : « une institution maltraitante en soi, ça n’existe pas (…) la ’’maltraitance’’ n’aurait de sens, pour moi, qu’à désigner non pas une exception monstrueuse, mais une potentialité inscrite à l’horizon de toute relation humaine. » (p.241) Paul Durhning le confirmera en ne se contentant pas de désigner les « surgissements brutaux de violence » dans les foyers éducatifs, mais aussi la maltraitance endémique à bas bruit : « la négligence, le délaissement, la sous-stimulation » qui perdurent d’autant plus que l’institution est traversée par des facteurs tels « la routinisation de la vie quotidienne, la centration des adultes sur leurs problèmes collectifs et une trop forte globalisation de l’action socio-éducative »(p.77). Quant à Marceline Gabel, elle dénonce la violence en creux que constitue l’impossible partenariat au sein même du dispositif de protection de l’enfance : multiplication des intervenants (professionnels du corps, de l’âme, de l’éducatif, du social …), mais aussi opposition entre les différentes logiques (thérapeutique/éducative, gestionnaire et judiciaire).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°476 ■ 04/03/1999