De l’enfant protégé à l’enfant corrigé
MAUREL Olivier, Éd. L’Harmattan, 2022, 291 p.
La revue de littérature est impressionnante. Olivier Maurel est allé rechercher dans tous les écrits, témoignages, récits, commentaires existants mais aussi dans les descriptions ethnologiques. Le résultat est sans appel : l’histoire de l’humanité se divise en deux. D’un côté, des cueilleurs-chasseurs pour qui il est inconcevable de battre un enfant, de l’autre les sociétés sédentarisées de cultivateurs et d’éleveurs qui en font fait le principe premier de l’éducation. Et ce qui est étonnant, c’est de constater combien cette répartition est universelle. Sur tous les continents passés en revue par l’auteur, on retrouve cette douceur/bienveillance chez les uns et cette violence/agressivité chez les autres. Comment expliquer cette terrible évolution ? Le point de bascule semble se situer au néolithique, époque qui transforme les enfants en force de travail dédiée à la garde des troupeaux et aux travaux des champs. Alors que jusque-là, ils grandissaient sereinement, apprenant par mimétisme, se fondant progressivement dans la société des adultes, dorénavant ils allaient être contraints et forcés à contribuer à la production. Là où ils vivaient dans la bienveillance égalitaire, ils allaient devoir plier l’échine sous une férule hiérarchique. Une étude sémantique dévoile la traduction du mot éducation en hébreu (correction), en Wolof (fouet) et même dans le hiéroglyphe égyptien qui représente un homme doté d’un bâton. Bien sûr, très tôt, des penseurs se sont élevés contre cette violence éducative : Pythagore, Plutarque, Quintilien dans l’antiquité, puis au moyen-âge un Erasme, Rabelais, Montaigne ou Rousseau, les uns et les autres étant longuement cités par l’auteur. La parole de Jésus, quant à elle, se sera avérée un rendez-vous manqué. Alors qu’elle prône une attitude respectueuse, les pères de l’église ne vont avoir de cesse que de valoriser et encourager les châtiments corporels, à l’image de Saint Augustin ou Saint thomas d’Aquin eux-mêmes battus dans leur jeunesse. Le dogme qui allait sceller le sort des enfants fut celui du péché originel, dont il fallait les sauver à coups de bastonnade, de fouet et des pires tortures dont l’énumération dans ce livre confine à l’insupportable. Passant en revue civilisations et religions, l’auteur retrouve les mêmes pratiques. « Celui qui ne sait pas d'où il vient ne peut savoir où il va », dit un proverbe. A présent on le sait !
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1331 ■ 17/01/2023