L’adolescent en création - Entre expression et thérapie
Sous la direction de Jean-Luc Sudres et de Pierre Moron, L’harmattan, 1998, 237 p.
« A l’enfance, succède l’adolescence, âge sensuel et indiscipliné, qui croit que la vertu est pénible et difficile et qui est féru de plaisir … On ne peut pas comprendre le cheminement de l’homme au cours de son adolescence, car celle-ci est vraiment instable. Elle ne se laisse guider ni par la raison, ni par les conseils d’autrui; mais soumise au souffle des tentations variées, elle se laisse entraîner de-ci, de-là, mobile et vagabonde. Un jour, elle veut ceci et le lendemain, elle ne le veut plus. Aujourd’hui, elle aime et demain elle déteste. » affirmait Julien de Vezelay dans un sermon prononcé au XIV ème siècle (cité p.83). L’adolescence constitue un âge particulier de l’homme au cours duquel les tensions internes produisent très aisément des passages à l’acte. Comment aider une sublimation qui permette une transformation de ces pulsions en tension créative ? Cela va dépendre du besoin présent plus ou moins intense de réparer l’objet perdu, de l’état du narcissisme, du climat affectif ambiant provoquant une sur- ou sous-stimulation. Les expériences de rupture sont aussi importantes tout comme la présence et le rôle supplétif des figures de médiation, sans oublier le mode d’éducation qui favorise la pensée divergente ou l’expression spontanée. Entre aussi en considération la structure psychique singulière ou pathologique. La problématique se complexifie en effet, quand on a affaire à des sujets qui ne peuvent élaborer des conflits ordinaires ou des vécus de perte et de séparation autrement que par des troubles de la conduite tels les actes de délinquance, les conduites addictives ou encore les comportement d’automutilation. Aux uns et aux autres, il est possible de proposer une orientation vers d’autres médiations sous la forme de différentes techniques de création. C’est à une présentation tant théorique que pratique de ces actions à laquelle nous convient les auteurs de cet ouvrage. Ainsi de ces ateliers d’écriture, mais aussi de peinture : « la feuille blanche devient le lieu de mise en scène et de projection de chacun, de son individualité d’origine. » (p.95) On peut aussi avoir recours à l’expression corporelle ou musicale : « se laisser pénétrer par la musique, la vivre dans son corps, ne faire qu’une avec elle, avec soi-même, être tout entier dans l’expression gestuelle qu’elle suscite, c’est trouver ou retrouver son propre style » (p.143) La production peut provoquer une restauration narcissique du sujet. Pour autant, ce n’est pas tant l’œuvre réalisée qui compte, mais l’espace/temps aménagé, l’expérience vécue en commun, créateur de mouvements, de pensées et de parole, lieu de mise en consistance et d’acquisition de densité et d’épaisseur. La communauté de regard et de visions permet elle aussi un effet de mentalisation. Emergent alors toute une série de mouvements psychiques : défense, refus, élaboration, association, découvertes, réactions dépressives grâce auxquels le sujet se réapproprie sa propre personnalité dans un mouvement de séparation d’avec sa propre production.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°501 ■ 30/09/1999