Bébé blues, la naissance d'une mère

Pascale ROSFELTER, Calmann-Lévy, 1992, 284 p.

A voir un bébé, n'est-ce pas la chose la plus merveilleuse qui puisse arriver à une femme ? Pascale Rosfel­ter nous plonge au travers de nombreux exemples concrets issus de son vécu de psychologue clinicienne dans cette réalité des parturientes qui n'est pas toujours aussi rose et qu'elle intitule "bébé blues". Face à la forte tendance de notre civilisation à réduire l'accouchement à un acte technique et médical, elle commence par se réjouir des fantastiques progrès qui ont considérablement réduit les accidents au moment de la naissance. Mais cela ne l'empêche pas de s'interroger sui, le devenir, dans ce contexte, de la dimension humaine du problème. Car, si les maternités s'occupent fort bien des soins donnés aux bébés, il n'en va pas de même de l'écoute des parents qui ont pourtant tant besoin qu'on entende leur angoisse, leur perplexité, leur solitude.
Quel soulagement chez les mères quand elles peuvent exprimer leurs vertiges et leurs questions ! Car tout enfant surgit toujours ailleurs et autrement que là où ses parents l'attendaient ! Le passage du bébé idéal au bébé bien réel est parfois difficile voire chaotique. Le décalage est bien réel entre la douce béatitude de la grossesse et la violence de l'accouchement. La découverte réciproque entre le bébé et sa mère se fait progressivement, elle ne peut donc être, qu'aléatoire, entraînant hésitations et doutes. La fantastique disponibilité, demandée à la mère dans la période symbiotique ne, doit pas lui faire oublier que cette vie ne lui appartient pas mais ne fait que passer à travers elle ! La naissance réactive chez elle son propre surgissement archaïque avec ce que cela représente comme souvenirs effrayants (au moment de l'absence de sa propre mère) et de souvenirs rassurants et apaisants (présence de celle-ci).
Que d'interrogations, que de questionnements ! D'où l'importance que la mère puisse exprimer avec des mots le "mauvais" qu'elle vit à l'égard de son bébé afin de dissocier celui-ci de ses rancœurs. La sagesse consiste alors à reconnaître en soi ses propres faiblesses et à ne pas hésiter à chercher vers l'extérieur une solution complémentaire. Cette fonction est dévolue selon les civilisations, à l'oncle maternel, ou au père. C'est l'importance alors de la séparation qui fonde et reconnaît l'enfant comme sujet séparé de sa mère. Ces pères eux-mêmes partagés entre le désir de bien faire et la peur d'être maladroit, agacent inévitablement à certains moments tant par leur absence que par leur trop grande présence (il faut une grande force de caractère pour accepter de partager l'amour d'un enfant).
Il n'est pas sûr que, notre société se donne les moyens de permettre aux parents de dépasser leur culpabilité et leur inquiétude face à la responsabilité qui pèse sur eux.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°281 ■ 10/11/1994