L’enfant et la séparation des parents
Jean-Pierre Rosenczveig, Editions Jeunesse et Droit (16 passage Gatbois 75012 Paris), 1997, 256 p.
L’encre des premiers exemplaires encore à peine sèche, Lien Social propose à ses fidèles lecteurs une présentation du dernier « Rosenczveig ». Le thème abordé concerne la crise du couple parental, mais vu sous l’angle du sort réservé aux enfants. Plutôt que d’opter pour un exposé didactique, Jean-Pierre Rosenczveig a choisi d’utiliser la méthode des questions (200 ont été sélectionnées) auxquelles il tente d’apporter une réponse dans un langage simple et concis. Cela donne parfois des propos redondants, mais très vite des renvois sont proposés à des numéros de questions pour plus de détails. Cette forme présente l’avantage indéniable d’offrir une consultation facile en fonction du centre d’intérêt du moment du lecteur.
Le discours proposé n’est pas uniquement juridique. Mais, que le lecteur se rassure: on ne trouvera pas ici de ces jérémiades ringardes sur la perte des valeurs et les effets dévastateurs du recul de la tradition. Jean-Pierre Rosenczveig parle avec mesure et réalisme des évolutions qui se sont faites jour depuis une trentaine d’années. Maintien du couple familial au-delà de la faillite du couple parental, développement du nombre des familles monoparentales ou dites recomposées, émergence des couples homosexuels revendiquant le droit à éduquer des enfants ... « Tout cela est certes un peu compliqué, mais pas nécessairement négatif. Au contraire, ce nouveau monde peut être détonnant, riche, stimulant, passionnant et dans le même temps pose des questions nouvelles ou plutôt réactualisées par leur ampleur » (p.9) C’est dans la perspective de cette évolution que l’auteur nous présente la législation en vigueur dans notre pays. Mais il la recadre aussi à plusieurs reprises au travers des étapes juridiques passées qui y ont abouti, ainsi que les orientations d’avenir qui s’offrent en vue de son amélioration.
Le lecteur est ainsi invité à s’embarquer non pas pour Citère mais pour ... sept chapitres qui vont recouvrir la problématique de l’autorité parentale dans son exercice serein comme dans la crise qui survient, et ce dans et hors le mariage. Puis viennent les beaux- et les grands-parents dont la place et les droits sont reprécisés. Deux parties sont consacrées respectivement au service après-vente de la séparation et aux sanctions liées au non-respect des décisions judiciaires. Bien sûr un chapitre à lui tout seul resitue la place de l’enfant dans la procédure. Qu’il choisisse une lecture linéaire ou qu’il se laisse guider par les intitulés des questions, le lecteur trouvera là à coup sûr son bonheur. Nous le laisserons découvrir la richesse de l’ouvrage. Retenons simplement quatre points de droit plus méconnus que d’autres.
Ainsi, de cette légende qui veut que le magistrat ait l’obligation d’entendre l’enfant de plus de 13 ans (ce qui implique qu’en dessous de cet âge, cette possibilité n’existerait pas). Jean-Pierre Rosenczveig nous explique qu’en fait le mineur n’a que le droit de demander à être entendu. Le juge lui, décide seul et en toute liberté et tout ... arbitraire et peut refuser sans qu’il n’existe aucun recours. En fait, c’est la loi de 1987 qui insistait pour que l’enfant de plus de 13 ans soit entendu, mais sans en faire une obligation. Le texte de 1993 a supprimé toute référence à cette question. « Donc tout enfant doué de discernement peut être entendu ... sauf si le juge en décide autrement » (p.201) Le magistrat peut recevoir le mineur ou bien le faire entendre par toute personne qu’il désigne à cet effet (travailleur social ou psychologue).
Autre point important: les parents sont responsables de leur enfant, du fait-même qu’ils sont parents. La Cour de Cassation a rendu une décision le 19 février 1997, invalidant l’argument lié à l’absence de faute. Ce qui signifie que la responsabilité des parents est engagée, même si l’enfant n’a pas agi délibérément. Seuls les cas de force majeure ou la faute avérée de la part de la victime peuvent dorénavant les exonérer.
Les parents qui partagent l’autorité parentale sont réputés agir en accord dans les actions de la vie courante. Par contre, pour ce qui concerne une opération chirurgicale, l’engagement formel du père et de la mère sont indispensables. L’autorisation d’opérer en urgence que les écoles, centres aérés ou de vacances et autres internats rééducatifs font signer aux parents n’a aucune valeur juridique et ne sert finalement à rien. En cas d’urgence, tout praticien médical est tenu de prodiguer des soins (sous peine de tomber sous le coup de la non-assistance à personne en danger). S’il n’y a pas urgence, les parents doivent impérativement être contactés.
Enfin, depuis 1993, il est possible de paralyser la disposition législative qui veut qu’en cas de décès d’un des deux parents, celui qui survit obtienne la plénitude de l’autorité parentale (sauf à en avoir été déchu). Il suffit pour cela de demander au Juge des affaires familiales de désigner par anticipation la tierce personne à qui sera confiée l’enfant.
Au total, un ouvrage pratique qui se lit facilement et peut représenter pour les professionnels un utile outil de travail.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°414 ■ 16/10/1997