A mort la famille! Plaidoyer pour l’enfant
Michel Fize, érès, 2000, 224 p.
Michel Fize continue dans ce nouvel ouvrage la démonstration qu’il avait entamée dans ses précédentes parutions. Après avoir élevé les adolescents au stade de peuple et avoir dénié leur crise (pour en faire les victimes de la crise sociale), il s’attaque à la famille considérée comme « fossoyeur de la liberté des enfants » (p.208). L’organisation tribale, explique-t-il, garantissait des relations libres et volontaristes. Dès que la famille patriarcale s’est imposée, c’est le modèle pyramidal qui l’a emporté consacrant la prédominance du masculin sur le féminin et perpétuant « la domination d’un groupe d’âge (les adultes) sur un autre groupe d’âge (les jeunes) » (p.69) Il est vrai que les incursions qu’il nous propose dans l’histoire ne sont pas faites pour infirmer ses propos. Depuis le droit de vie et de mort du pater familias sur son épouse et ses enfants (abolie seulement en 318, par l’empereur Constantin), jusqu’au maintien, des siècles durant, de la femme en position d’infériorité (ce ne sera qu’après 1968 que son assujettissement au mari disparaîtra et que la puissance paternelle cèdera la place à l’autorité parentale), sans oublier la reconnaissance par le code civil de 1804 du droit pour le père de faire emprisonner ses enfants (entre 1846 et 1913, 74.000 mineurs subiront cette peine) ... le rôle répressif de la famille et plus particulièrement de son chef n’est plus à démontrer. Depuis une trentaine d’années, la société a évolué : la structure familiale s’est largement démocratisé, ce qui n’a fait qu’en fragiliser l’équilibre. On n’a pas tardé à la dire en crise (comme d’ailleurs quasiment à toutes les époques). Paradoxalement, ce qui la mine, c’est bien le manque d’interdit, de conflit et l’absence de communication qu’on y trouve. Car, ce qui est réclamé par les adolescents ce n’est pas l’abolition de l’autorité : « ce n’est pas l’interdit scellant la fin du dialogue qui est revendiquée que l’interdit l’inaugurant, au contraire, le rendant possible. » (p.166) Et de revendiquer un rééquilibrage des rapports de force au bénéfice des adolescents en dénonçant au passage, les libertés formelles que sont la possibilité de sortir ou de s’habiller à son goût quand les rapports au sein de la famille sont soumis à une dépendance économique. La bourse scolaire de 500F attribuée à chaque enfant par la Suède serait à cet effet un exemple à suivre. L’échec des communautés hippies a fragilisé la perspective d’une alternative à la famille. Les adolescents eux-mêmes la plébiscitent. L’auteur revendique donc plutôt que pas de famille du tout (ce qui lui semble une utopie quoique réaliste !) une famille minimum qui permettrait à partir de 13 ans de partir vers des foyers d’hébergement pour collégiens ou lycéens, fréquentés sur une durée à négocier avec le jeune. Décidément, la structure familiale n’a que bien peu d’attrait pour l’auteur qui semble y voir l’un des principaux obstacles à l’épanouissement humain.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°549 ■ 26/10/2000