La douleur des pères. Un enfant a droit à ses deux parents
Bernard FILLAIRE, Stock, 1998, 225 p.
La rupture de la vie conjugale est toujours pénible pour les enfants. Mais, leur souffrance est décuplée quand à cette séparation se rajoute la dissolution du couple parental. « Un enfant a droit à ses deux parents » plaide Bernard Fillaire dans le sous-titre d’un ouvrage qu’il consacre à une maltraitance particulièrement peu reconnue : la privation pour l’enfant du parent qui ne l’héberge pas. Traditionnellement, la mère est considérée comme a priori capable de s’occuper de l’enfant. Il faut en revanche que le père démontre des dons hors pair pour se voire reconnaître les mêmes capacités ! D’où la fixation dans 86 % des séparations (98,5 % si l’enfant a moins de 4 ans) de la résidence principale chez la mère. Conséquence dramatique : plus de deux millions d’enfants n’entretiennent que des contacts épisodiques avec leur père et 700.000 ne le voient plus du tout. Il y a bien sûr, ces pères qui s’éloignent ou abandonnent progressivement leurs enfants. Mais, il y a aussi ces mères qui organisent leur éviction en utilisant au besoin des moyens extrêmes. Ainsi, l’accusation « de ’’tripotage’’ des enfants. Le petit tour que faisait l’enfant dans le lit des parents pendant leur vie commune -et qui était très bien vécu- prend une connotation incestueuse quand il se séparent » (p.82) S’ensuit la saisine du juge des Affaires Familiales sur le fondement de l’attouchement sexuel avec demande de suppression des droits de visite et d’hébergement. Le magistrat est tenté de suspendre ces droits en attendant les résultats de l’enquête. Haine, vengeance, amertume sont à l’origine de ces fausses allégations qui sont particulièrement fréquentes dans les situations de séparation de couple. « Il s’agit dans la presque totalité des cas non pas d’un mensonge de l’enfant, mais d’un processus progressif de contamination de son récit à partir des interrogatoires suggestifs d’une mère de bonne foi, mais aux prises avec une sollicitude anxieuse » rappelle Hubert Van Gisjeghem (cité p.119). Sauf que les dégâts pour l’enfant sont presque aussi graves que s’il y avait eu abus. Faut-il dès lors, douter de la parole de l’enfant ? Il faut plutôt entourer la révélation d’un certain nombre de précautions : célérité de l’enquête, attention portée aux influences exercées sur l’enfant, examen psychologique et psychiatrique du parent soupçonné mais aussi de celui qui dénonce. Il apparaît nécessaire d’adapter la législation du divorce au besoin de l’enfant en favorisant par exemple, comme cela se passe en Californie, le parent le plus apte à permettre à ce dernier d’établir des contacts fréquents et permanents avec son autre parent. Ou encore, de rééquilibrer le traitement du délit de non-présentation d’enfant à propos duquel, à transgression équivalente, un père est deux fois plus mis en cause qu’une mère, huit fois plus condamné, vingt-six fois plus jeté en prison.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°495 ■ 15/07/1999