Yvonne Castellan, Bayard Editions, 1998, 210 p

L’accès à la grand-parentalité constitue un palier important de l’existence humaine. Il s’agit d’une délégation de fécondité et d’une mise en scène du fantasme d’immortalité. L’immense joie narcissique qui suit la naissance amène chaque famille à s’engager dans une démarche d’appropriation par le jeu des recherches de ressemblances. Un nouveau rôle attend les grands-parents. Il y a d’abord le remaniement de leurs relations avec leurs propres enfants qui se sont transformés à leur tour en parent. Quant à leurs relations à l’égard de leurs petits-enfants, il faudra leur apprendre non pas « à doubler les parents dans leur rôle, mais à conforter le jeune dans l’amour inconditionnel qui, au-delà des peccadilles, va le confirmer dans l’amour de soi » (p.51). Les grands-parents jouent un rôle actif aussi dans la transmission des idéaux, des projets et des valeurs propres au système familial. Ils impulsent l’orientation, leurs héritiers la recevant par identification ou projection, celles-ci étant normalement travaillées, enrichies et remaniées tout au long de la vie en fonction de l’évolution de la personnalité de chacun, des événements et des rencontres. Témoins de la chronologie familiale, ils permettent de resituer le cheminement des générations. Il n’est pas certain que tout doive être dit, mais l’expérience clinique démontre « qu’en dehors de circonstances exceptionnelles, le secret familial est le plus souvent source d’aberrations et de blocages » (p.110) Ce qui se situe alors parfois dans l’indicible au niveau de la première génération et qui, en conséquence est recouvert d’une chape de silence, devient innommable dans la seconde, provoquant un inévitable malaise. Il n’est pas rare alors, qu’à la troisième génération, des conduites irraisonnées se manifestent que seule une psychothérapie permet d’interpréter et d’identifier comme le produit de traumatismes issus des générations précédentes. Reste un rôle essentiel pour les grands-parents, celui du soutien moral, affectif face aux épreuves de la vie, sans oublier l’aide matérielle (qui se montait rien qu’en 1995 à 100 milliards de Francs). Même, s’ils ne vivent plus au domicile de leurs enfants, les grands-parents continuent à jouer un rôle essentiel dans l’élaboration psychique des familles.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°490 ■ 10/06/1999