Des parents de même sexe
Eric DUBREUIL, édition Odile Jacob, 1998, 332p.
Le sujet est subversif, du fait même qu’il déstabilise « un certain nombre de normes instituées autour de l’idée de couple, de famille et de l’art de ’’bien élever’’ les enfants ». Dans sa préface, Geneviève Delaisi de Parseval situe bien la problématique dont il est question ici.
Le lecteur sectaire, farci de préjugés et convaincu que son mode de vie actuel est non seulement le seul possible, mais aussi le seul acceptable, peut s’arrêter là. Cette rubrique, s’il la lit, va réveiller son ulcère, ce qui serait bien dommage. Que celles et ceux qui acceptent d’être ébranlés dans leur certitude, prennent le risque de cette lecture : ils ne seront pas déçus. Ils plongeront dans des témoignages plein d’humanité et de sincérité. C’est d’abord ces adultes qui ont choisi de vivre leur homosexualité sans pour autant renoncer à leur parentalité (après avoir eu des enfants d’unions hétérosexuelles antérieures) ou qui ont désiré avoir des enfants (adoption, insémination artificielle et coparentalité). Annie et Jean sont parents de deux filles. Jean entretient des relations homosexuelles au vu et au su de sa campagne et de ses enfants. Cela se vit manifestement bien pour tout le monde. « Ce que je déplore, c’est que le secteur du travail social, dans lequel Jean et moi exerçons, est particulièrement en retard, alors même qu’il devrait être constitué de gens ouverts d’esprit. Du secteur social sont nés le planning familial, et l’action militante pour faire avancer les choses. Maintenant, je ne comprend plus ce qui se passe. » (p.47) D’autres pères et d’autres mères ont décidé de rompre leur couple pour assumer un choix de vie homosexuel. Parfois, l’entourage (conjoint(e), famille, amis) l’accepte avec tolérance. Les enfants passent alors des week-ends et des vacances auprès du nouveau couple homosexuel, sans que cela soit vécu par eux de manière en quoi que ce soit traumatisante. Mais trop souvent, il y a rejet, y compris de la part des instances judiciaires : « un expert psy a fait un rapport de trente pages à notre sujet, pour conclure, en trois lignes, que les enfants courraient un danger dans leur vie affective (« risque de pervertissement ») si leur garde était maintenue à mon domicile, cela sans motiver l’avis. »(Nicole p.100). Puis, vient l’illustration de la coparentalité : père donneur de gamète très présent auprès de sa fille élevée par un couple de lesbiennes. Ou encore Daniel et Thomas qui ont décidé d’utiliser une mère de substitution aux Etats-Unis. Ils sont allés rencontrer cette femme et sa famille. C’est après de longs échanges qu’ils ont passé leur accord, s’engageant à la tenir au courant de l’évolution ultérieure de l’enfant qui pourra s’il le désire rencontrer sa mère biologique. On pourra suivre aussi le parcours du combattant d’un gay qui a choisi de jouer le jeu en tentant d’obtenir un agrément pour l’adoption. Il en est arrivé à saisir la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Mais que veulent tous ces gens ? « Je veux vivre ma différence dans l’indifférence et cela passe par une égalité des droits. » (Benoît p .64)
Jacques Trémintin – Octobre 1999