Reconstruire les liens familiaux. Nouvelles pratiques sociales

Fondation de France (Benoit Bastard, Laura Cardia-Vonèche, Bernard Eme, Gérard Neyrand), Syros, 1996, 203 p.

La Fondation de France a soutenu depuis près de 20 ans la création et le démarrage de multiples lieux d’accueil parents/enfants: 30 Maisons Vertes de 1979 à 1989, 70 structures pour l’exercice du droit de visite depuis 1987 et encore 70 lieux d’accueil de quartier entre 1990 et 1994. Elle a souhaité faire le point sur ces trois types d’expérience. Elle a donc commandé une étude transversale à 4 chercheurs qui nous proposent donc leur analyse dans un ouvrage tout à fait passionnant.
Le document comporte 3 actes: une approche comparative des différents lieux d’accueil, une élaboration autour des transformations de la famille, enfin une réflexion sur les évolutions du travail social.
Concernant les structures d’accueil, les auteurs présentent un état des lieux selon une méthodologie claire et cohérente. Ils commencent par décrire précisément chacun des trois types existants. Les Maisons Vertes se donnent pour objectif une action sur la toute petite-enfance qui joue un rôle si essentiel dans la genèse des troubles psychologiques ultérieurs ainsi que sur la relation de la mère avec son enfant et ce dans une perspective nettement psychanalytique (sur les pas de leur fondatrice Françoise Dolto). Les lieux d’accueil de quartier axent leur fonctionnement eux aussi sur la socialisation de l’enfant et un soutien au lien familial en prévention de la maltraitance, de l’isolement ou de l’échec scolaire, mais ils peuvent être autant dans le « dire » que dans le « faire ». Quant aux lieux de visite, ils travaillent avec les parents divorcés dans une logique judiciaire en rapport direct avec le Juge des Affaires Familiales. Les auteurs, après avoir longuement décrit les particularités afférentes à la gestion de l’espace, au corpus de règles et aux modalités d’intervention propres à chaque lieu, en viennent à définir deux modèles que l’on retrouve chez les uns ou chez les autres: l’empathie et la maïeutique. La première fait référence à une action basée sur une procédure active: lien de confiance et relation personnalisée entre l’intervenant et l’usager. Le second se situe quant à lui dans une logique qui laisse le public accueilli, maître de son évolution. Le permanent est dès lors un tiers-support neutre qui se refuse à agir sur ce qu’il découvre.
Deuxième partie du livre, celle consacrée aux profondes modifications qu’a connu la famille depuis quelques années. L’enfant occupe une place centrale. On demande à son (ses) parent(s) à la fois d’être capable de s’y attacher et de s’en détacher. Quand ils se séparent, ils doivent rester dans leur rôle de référence affective. Toutefois, la norme des lieux d’accueil consiste justement de ne pas produire de norme.
Dernier axe de l’ouvrage, celui qui aborde les bouleversements du travail social. Celui-ci a été confronté dans les années 70 à une vive critique de sa fonction de « contrôle social ». Les mutations politiques et économiques lui ont imposé une nouvelle donne dans le sens d’une plus grande transversalité. La décentralisation, puis la territorialisation des services et la concertation plus ou moins systématique qu’ils organisent ont mis en exergue la difficile articulation entre les anciennes missions du secteur social et les nouveaux objectifs qui lui sont fixés aujourd’hui.
D’une lecture toujours très intéressante, cet ouvrage mérite le détour tant pour la précision de ses descriptions que par la pertinence de ses analyses.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°384 ■ 06/02/1997