Parents et bébés séparés
Sous la direction de Patrick Ben Soussan, Syros, 1996, 237 p.
Dès sa naissance, l’être humain met en place les deux instances essentielles de son appareil psychique: le self et la relation objectale.
Les soins maternels amoureusement prodigués lui garantissant le narcissisme primaire positif nécessaire, le bébé acquière une sécurité qui va lui permettre d’utiliser son espace personnel pour aller à la découverte de l’autre et du monde qui l’ entoure. Dans cette phase importante de son existence, la façon dont le tout-petit gère la séparation d’avec sa mère constitue le socle de sa capacité future à créer des liens d’attachement et à se détacher.
Cette question essentielle entre toutes a fait l’objet d’une récente parution regroupant les contributions de 15 spécialistes de la petite-enfance. Les séparations y sont abordées sous trois angles: le bébé accueilli, le bébé hospitalisé, le bébé placé.
Le bébé accueilli d’abord. L’âge idéal pour son entrée dans une crèche se situe entre 4 et 6 mois. Mais ce qui compte avant tout, c’est la maturité du lien: l’acquisition d’un minimum de sécurité interne et l’émergence de la phase d’unité duelle et symbiotique avec la mère. Ce qui est important, c’est aussi de préparer une intégration progressive. Il faut lui expliquer clairement ce qui va se passer et organiser un relais entre la mère et une auxiliaire désignée pour avoir un contact privilégié avec le nourrisson.
L’hôpital peut apparaître aux parents et à leur bébé tout autant comme une institution accueillante et contenante que comme responsable d’une séparation brutale. Tout dépend de l’écoute qui est faite des sentiments d’échec, de dévalorisation et de culpabilisation des premiers et de l’observation des troubles relationnels exprimés par le second d’une façon parfois subtile à détecter. Il est, en tout cas, fondamental de rompre la dynamique de l’isolement relationnel et de l’hyperstimulation sensorielle (soins multiples) que vit l’enfant en prévoyant la possibilité pour les parents de rendre fréquemment visite à leur bébé, un lien préférentiel avec une puéricultrice et un maintien de la présence de la mère dans l’espace proximal du nourrisson (tissu imprégné de l’odeur maternelle, voix enregistrée ...).
Quant aux bébés placés, ils constituent une population d’autant plus vulnérable que le retrait a été le plus souvent soudain et lié à une défaillance voire une carence des parents. Les pouponnières chargées de cet accueil doivent tout particulièrement veiller à les individualiser, repérer leurs besoins spécifiques et établir là encore une relation privilégiée avec une éducatrice. Elles doivent en outre ouvrir leurs portes aux parents autour de moments privilégiés que sont les repas, les bains ou les consultations médicales.
Dominantes dans chacune de ces situations: l’établissement d’un relais stable et le maintien de la présence parentale, deux facteurs essentiels du continuum nécessaire à l’équilibre de l’enfant.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°384 ■ 06/02/1997