Protéger l’enfant avec ses deux parents. Le centre parental. Une autre voie pour réussir la prévention précoce

CHATONEY Brigitte & VAN DER BORGHT Frédéric, Editions de l’Atelier, 2010, 158 p.

L’ouvrage que nous proposent Brigitte Chatoney & Frédéric Van Der Borght, peut être lu à partir de plusieurs registres. C’est d’abord le récit d’une aventure, comme le travail social sait en concocter, parfois, quand il se fait audacieux et opiniâtre. Contre vents et marées, une équipe de professionnels a réussi à imposer la fusion des deux schémas dévolus à des dispositifs traditionnellement étrangers, l’un à l’autre : accueillir un enfant sans ses parents (ASE) et accueillir des parents sans son enfant (CHRS). On reproche volontiers à certaines familles de ne pas réussir à s’attacher, alors même qu’on ne rend pas possible ce processus d’attachement. L’admission au centre parental Aire de famille se fait sur la base du désir positif chez un jeune couple à vivre ensemble, à fonder une famille et à protéger son enfant. Ce n’est pas vers son passé marqué par la multiplication des carences que l’on se tourne alors, mais vers un présent et un avenir soutenus par la conviction dans ses compétences. La famille est accueillie en studio et accompagnée jusqu’à ce qu’elle puisse prendre son autonomie. Innovation particulièrement marquante, l’équipe intervient sur la globalité de la vie de la cellule familiale, y compris sur les conflits de couples et les éventuelles ruptures. Ces pratiques bousculent les représentations, les rigidités et les idéologies des professionnels. D’autant que bien des tâtonnements, des doutes et des interrogations parcourent le trajet des ces jeunes parents ébranlés et traumatisés par la vie. Ce travail ainsi accompli constitue l’un des meilleurs moyens de prévention de la violence conjugale et de la maltraitance infantile. Une telle démarche se devait de s’appuyer sur de solides conceptions. C’est le second registre que l’on peut découvrir dans cet ouvrage. Ainsi, de l’application des principes de l’haptonomie, qui sont utilisés pour structurer un authentique engagement affectif dans la relation à l’autre. Ainsi, de l’utilisation de la méthodologie de la clinique de la concertation, pour impliquer directement l’usager au cœur du partenariat professionnel. Ainsi, des convictions familialistes qui animent les auteurs. S’ils reconnaissent volontiers que parfois les blessures des parents sont trop à vif et les manques trop envahissants, cela ne les empêche pas de considérer que parfois placer un enfant soit plus nocif, que de le maintenir dans un milieu défaillant, voire pathologique. S’il est essentiel de croire à l’impossible, pour obtenir qu’il se réalise, étaient-ils obligés de mettre en exergue la bêtise proférée par Bowlby, en 1951 : « il vaut mieux des mauvais parents, qu’une bonne institution » ?

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1025 ■ 07/07/2011