Père, mère, des fonctions incertaines. Les parents changent, les normes restent ?
NEYRAND Gérard, WILPERT Marie-Dominique, TORT Michel, Ed. érès, 2013, 109 p.
Les représentations traditionnelles constituent une sorte de cahier des charges de ce que devrait être un homme et une femme : force, courage et violence étant l’apanage du premier, patience, sensibilité et écoute étant propres à la seconde. Mais, la vulgarisation parfois hasardeuse des sciences humaines a eu pour effet pervers d’édicter, elle aussi, des normes auxquelles chacun se réfère comme autant de prétendues bonnes attitudes à adopter. Si le rabattement du féminin sur la fonction maternelle remonte au XVIIIème siècle sous le poids de l’hygiénisme et de la médecine sociale, explique d’abord Gérard Neyrand, il faut attendre les années 1970, pour que les fondements biologiques de la parentalité soient remis en cause et cette fonction soit dénaturalisée. Aujourd’hui encore, pourtant, le père qui s’occupe du bébé ne « paterne » pas, mais « materne », preuve de la prégnance des normes. Marie-Dominique Wilpert en donne l’illustration, à travers le poids de l’idée reçue partagée tant par les mères qui culpabilisent que par les professionnelles de la petite enfance qui n’en pensent pas moins, qui veut qu’un bébé n’aie pas sa place en crèche, parce qu’il doit rester auprès de sa mère. Préjugé renforcé par la fraction la plus traditionaliste de la psychanalyse qui s’en tient aux convictions originelles de cette discipline. Michel Tort, lui-même psychanalyste, en fait une critique lucide, déplorant que certains de ses confrères se soient enkystés dans une vision anhistorique et naturaliste des fonctions parentales. Ils se sont engagés dans un combat d’arrière garde contre la PMA d’abord, contre le PACS ensuite, contre le mariage gay il y a peu, en prophétisant pour les générations futures la confusion des genres et des sexes, l’explosion de l’inceste et la montée de la zoophilie et de la polygamie.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1142 ■ 29/05/2014