De l’écoute au respect, communiquer avec les enfants
Martine DELFOS, érès, 2007, 191 p.
Même si ce sont les enfants qui ont la réputation de ne pas écouter les adultes, l’inverse se produit tout autant. C’est avec cette affirmation non dénuée de pertinence que Martine Delfos introduit son ouvrage. L’auteur est psychothérapeute d’enfants. Certes, son propos méthodologique flirte un peu trop parfois avec le livre de recettes. On y trouvera néanmoins une description fort intéressante d’un certain nombre de fondamentaux qui ont le mérite à la fois d’être rappelés et synthétisés d’une manière fort bien écrite. Le premier axe développé ici insiste sur l’originalité du monde dans lequel vit l’enfant. Sa pensée, ses représentations, ses relations affectives constituent un univers bien à part fort différent de celui de l’adulte. Aussi, converser avec lui implique de bien le connaître et de souscrire aux conditions de communication particulière qui dépendent étroitement de son âge pas tant physique que mental. Et l’auteur, de consacrer de longues pages à définir, année après année, les particularités spécifiques à chaque étape de l’enfance. Le second axe de l’ouvrage est consacré aux attitudes à déployer pour réunir les conditions d’un entretien d’aide efficace et attentif à l’usager. Les préceptes de Carl Rogers sont repris ici de façon détaillée : le professionnel doit faire preuve à l’égard de son interlocuteur de chaleur humaine, de respect et d’acceptation inconditionnelle. Son écoute doit être encourageante : ne pas interrompre le récit, utiliser des mots et des gestes qui privilégient la continuité du propos, considérer avec bienveillance la personne qui parle. Et puis, il y a la conviction dans les compétences de l’usager qui le fait être regardé non comme l’objet passif de la relation d’aide mais comme un sujet acteur d’une collaboration active. Sans oublier ce niveau de confiance réciproque qui va déterminer l’efficience de l’entretien ou encore la nécessité de s’enquérir de l’état de l’usager (ce n’est pas parce que le professionnel est prêt à l’entretien que c’est le cas de son interlocuteur). « Last, but not least », la communication non verbale (et notamment l’échange de regards) qui permet de mesurer la cohérence entre ce que l’on dit et ce que l’on montre ! L’auteur apporte là rien de très original, proposant une bonne révision de techniques déjà anciennes. En outre, cette méthodologie s’applique indifféremment à tout type de personne se trouvant en face d’un professionnel de l’aide ou de l’accompagnement. Plus intéressantes sont les informations portant sur la spécificité de la place des enfants dans ce dispositif relationnel. Ainsi, du rappel que prisonnier de sa vision égocentriste, le petit d’homme n’imagine pas un seul instant que l’adulte ignore tant les réponses aux questions qu’il pose que ce que ressent et pense son jeune interlocuteur. Aussi, parfois, si l’enfant ne réagit pas, c’est simplement parce qu’il pense inutile de redire ce qu’il croit que l’adulte sait déjà. Autre particularité du public enfantin : la difficulté qu’il a à répondre par la négative aux questions qui lui sont posées et sa tendance à réponde par l’affirmative à toute demande par trop inductrice de la façon dont sent que l’adulte le souhaite. Et puis, il y a cette position physique à laquelle il faut prendre soin. Rétablir un minimum de réciprocité dans l’échange nécessite de se placer à la même hauteur que l’enfant, afin que celui-ci ne se sente pas dominé. Toutes choses essentielles, pour réussir l’entretien avec l’enfant.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°852 ■ 13/09/2007