Papa, Maman, écoutez-moi vraiment. Pour comprendre les différents langages de l’enfant

Jacques SALOME, Albin Michel, 1989, réédité en 1994, 280 p.

Textes de conférence, développements à partir de nombreux témoignages, retranscription des dialogues engagés lors de débats publics ... Dans cet ouvrage Jacques SALOME s’intéresse plus particulièrement  aux communications non-verbales de l’enfant. Un propos du tout début permet de bien resituer la problématique largement détaillée tout au long de ces 280 pages: « si les bébés et les jeunes enfants n’ont pas beaucoup de mots pour parler, ils ont beaucoup de langages pour se dire ».

Cinq types de langages font l’objet ici d’une étude précise.

Il est tout d’abord question de la gestuelle. Ce sont ces signaux produits en permanence par le corps dans ses échanges avec l’environnement. Le regard, le sourire, la respiration, les tensions,  le rythme, l’énergie tout autant que les silences sont autant de messages le plus souvent difficilement contrôlés par l’émetteur mais très vite interprétés par le récepteur et qui ont autant sinon plus de signification qu’une affirmation verbale.

Puis viennent les passages à l’acte qui constituent de brutales irruptions dans la réalité  comme autant de décharges agressives liées à une trop grande, angoisse à un refus insupportable ou à un conflit. Que ces actes se manifestent sous forme d’auto-agression ou d’agression dirigée vers autrui, ils ne sont ni spontanés, ni gratuits et doivent être interprétés pour ce qu’ils sont : la manifestation de l’absence de médiatisation par la parole ou le symbolique.

On peut aussi s’intéresser aux rituels innombrables mis en place par les enfants pour apprivoiser le monde extérieur et tenter de l’intégrer: « doudou » au moment de l’endormissement, petits tas faits avec la nourriture dans l’assiette, façons de marcher sur le bord du trottoir sans mettre les pieds sur l’arête ou l’interstice.

La somatisation prend une place toute particulière: ce qui ne se dit pas en MOTS va se manifester sous la forme de MAUX. Le corps est un puissant émetteur de messages qui va exprimer les souffrances, les conflits les interrogations et les non-dits. Répondre à cette somatisation en cherchant les causes et en médicalisant, c’est répondre de travers et rater le sens de ce qui se dit. Il faut au contraire apprendre à l’enfant à mettre des mots sur son vécu et lui faciliter ainsi l’accès à la symbolisation. Même si certaines affections psychosomatiques tels l’eczéma, les dermatoses et autres allergies sont porteuses de messages, faut-il voir dans tout incident de santé une communication non-verbale ? C’est la généralisation rapide que fait l’auteur. Est-ce un hasard explique-t-il si un gamin tombe de vélo et arrive ainsi à se faire soigner par sa maman enceinte de 8 mois ? Peut-être pas effectivement. Mais il ne faut pas non plus exclure une pédale qui se prend dans un trottoir !

Dernière manifestation de langage non-verbal: la symbolisation. L’enfant ne perçoit dans la réalité qu’une infinie partie à la fois morcelée et discontinue. C’est en grande partie graçe au jeu qu’il va se relier  au monde qui l’entoure en lui permettant d’expérimenter l’éventail des possibles et de s’exercer à la maîtrise de son environnement.

Tout ces supports doivent être perçus et interprêtés au-delà de leur strict expression: il convient alors de répondre plus à ce qui se cache derrière qu’à la simple partie visible de l’iceberg.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°307 ■ 18/05/1995