L’écriture créative. Démarches pour les empêchés d’écrire et les autres

PERDRIAULT Marguerite, Ed. érès, 2014, 150 p.

L’accès à la littératie ne va pas de soi. L’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite ne dépend ni d’un don, ni des méthodes de lecture ou des performances scolaire, mais bien plus de l’articulation entre le cognitif et l’affectif et entre le savoir et l’éprouvé. Certes, un rapport littéral à la langue, son seul usage instrumental ou la confusion entre le mot et son référent sont autant de postures freinant l’accès à la métaphore, précieuse clé pour percer le mystère de l’énigme scripturale. L’écriture créative constitue l’une des techniques permettant de répondre à ces difficultés. Forte d’une expérience de quinze ans dans son utilisation auprès d’une multitude de publics différents, Marguerite Perdriault nous en fait une description très détaillée. Cette démarche a surtout pour ambition de faire surgir et mettre en forme pour chacun quelque chose de sa propre voix. Elle chasse la peur et favorise la liberté de création, en suspendant la norme orthopédique que constituent une syntaxe, une orthographe et une grammaire contraignantes. Elle dénonce l’illusion de la mise en page définitive immédiate et d’une pensée transparente, en faisant l’éloge du brouillon, en valorisant les ratures et les erreurs et en autorisant à tâtonner, hésiter, supprimer, remplacer, déplacer, corriger, modifier. Elle propose de substituer le monologue par le dialogue et la coopération, en organisant la lecture critique réciproque au sein de l’atelier d’écriture, chacun à son tour, jouant un rôle bienveillant d’élargissement, de réflexion et de clarification sur la production d’autrui. Au modèle scolaire traditionnellement répétitif et didactique, elle oppose une multitude d’exercices et de scénarios aussi diversifiés que féconds, avec pour fonction première d’oser dire et de faire circuler le langage et mettre au travail la pensée profonde.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1169 ■ 17/09/2015