Écrire sa pratique professionnelle. Secteurs sanitaire, social et éducatif
BERTON Jacques & MILLET Dominique (sous direction), Ed. Seli Arslam, 2014, 156 p.
Écrire sa pratique, écrire sur sa pratique, écrire de sa pratique, les enjeux de l’écriture professionnelle sont multiples, relevant tout autant d’un contexte diversifié (pouvant être imposé, formalisé, obligatoire ou évalué), que d’une multitude d’objectifs pluriels (recherche de traçabilité, souci d’information ou formation à la réflexivité). Ils sont quatorze, issus de l’enseignement, du soin et du travail social à réfléchir sur cette activité qui n’a jamais pris autant d’importance dans leur quotidien à travers ce foisonnement de rapports, de bilans, de récits et d’analyses de pratique, de journaux de bord, de cahiers de transmission et de retours d’expérience. Ce qui transparaît, c’est la difficulté de rendre compte d’une pratique qui peut difficilement être modélisée : un même geste peut entraîner des conséquences très différentes selon les circonstances et l’histoire des protagonistes. Chaque évènement devrait pouvoir se raconter et s’interpréter, permettant ainsi son intelligibilité. Or, il se heurte à la multiplicité des angles à partir desquels il peut être présenté : sa temporalité, sa singularité, sa transformation, sa surprise, son irrationalité, sa rupture, sa causalité… Sans compter la part d’inexplicable et d’inassimilable de toute situation interdisant d’en décrire les raisons profondes et certaines. Face à l’exigence de standardisation, de catégorisation et de transparence qui attend que l’on justifie, prouve, évalue, certifie, accuse et sanctionne, on ne peut que se risquer à nommer pour décrire, en métabolisant son angoisse, en renonçant à la prétention de vouloir tout maîtriser et en acceptant notre part sensible et subjective. « Écrire, c’est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l’ouvrir », nous explique Christian Bobin, dans une très belle métaphore.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1169 ■ 17/09/2015