Serge GINGER, Marabout, 1995, 284 p.

La Gestalt (prononcer « Guéchtaltt ») est une théorie conçue par Fritz Perl, psychanalyste  23 ans durant, avant de dévier à l’âge de 58 ans de l’orthodoxie freudienne en développant sa propre méthode: « je n’ai rien inventé, disait-il, je n’ai fait que redécouvrir  ce qui existait depuis toujours. » S’adressant aussi bien aux sujets souffrants qu’à ceux qui recherchent un meilleur épanouissement de leur potentiel, cette technique a été surnommée la « thérapie des normaux ». Serge Ginger nous propose un petit guide de vulgarisation simple et concis qui donne à chacun la possibilité de se faire une idée. La Gestalt est une théorie existentielle qui fait la synthèse des courants philosophique, méthodologique et thérapeutique européens, américains et orientaux revendiquant une troisième voie entre la psychanalyse et le comportementalisme. Elle ne cherche pas seulement à expliquer les origines des difficultés mais à expérimenter les pistes de solutions nouvelles. Ses principes de base dénient toute objectivité à l’observation (l’observateur influence ce qu’il observe), et contestent la  causalité traditionnelle (le futur et donc la finalité et l’intentionnalité d’une action l’explique tout autant que le passé). Par contre, ils réhabilitent les ressentis émotionnels et corporels (en incitant à les apprivoiser plutôt qu’à les contrôler), ainsi que la perception synthétique et globale qui doit précéder l’analyse. Autre principe important : il ne s’agit pas de se conformer aux normes mais d’apprendre à mieux se connaître et s’accepter en se libérant ainsi des déterminismes aliénants du passé et de l’environnement. Cette vision de l’absence de toute norme universelle (excepté le respect vigilant de l’autre), comme de la quête de l’être-mieux opposé au toujours plus ou encore de la vision de l’individu comme toujours unique et original, vaudront à Fritz Perl reconnaissance et engouement dans la mouvance révolutionnaire de 1968.

La Gestalt a mis au point un certain nombre de techniques. Ainsi on trouve l’amplification (rendre explicite en projetant sur la scène extérieure ce qui est implicite sur la scène intérieure), le monodrame (le protagoniste joue lui-même les différents rôles de la situation en cause) ou encore l’awareness (prise de conscience globale du flux permanent des sensations physiques, des sentiments et des idées). Le thérapeute intervient d’une façon active en s’appuyant sur ses propres sensations et impressions. Toutes choses qui provoqueront chez l’intégriste un profond dédain méprisant et chez le lecteur curieux une envie d’aller y voir de plus près.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°415  ■ 23/10/1997