Construire le sens de sa vie. Une anthropologie des valeurs

Gérard MENDEL, La Découverte, 2004, 204 p.

La morale d’une société, avec les règles et les lois qui s’y rapportent n’intéresse pas seulement le fonctionnement social. Elle constitue aussi un repère essentiel de l’identité individuelle. Ainsi, de cette éthique capitaliste qui privilégie la production à moindre coût, la maximalisation du profit, la conquête des marché, l’immédiateté des échanges, la marchandisation généralisée, tant celles des biens naturels, que des relations interpersonnelles. Le sentiment d’impuissance face à la volonté de mettre l’économie au service de la société et des citoyens, va de pair avec l’affaiblissement des valeurs collectives. C’est pourquoi le mal être contemporain n’est pas une maladie, c’est un moment de l’histoire de l’individu occidental : la logique économique ayant contribué à désagréger les communautés, à affaiblir l’emprise des traditions et à isoler l’individu, la quête de repères et d’identification constitue l’une des réponses à ce trouble. L’espèce humaine est-elle habitée par une ou plusieurs valeurs universelles ? Existe-t-il un principe qui permet de hiérarchiser les morales ? Tels sont les thèmes traités par Gérard Mendel, juste avant de nous quitter au mois d’octobre dernier. Que ce soit la référence à un droit naturel (Leo Strauss), à un libre arbitre (Hans Kelsen) ou à la raison et à la justice qui habiteraient le cœur de l’homme et qui ne demanderaient qu’à émerger, pour peu qu’on écarte les apparences sensibles (John Rawls), il n’est pas de projet de morale universaliste qui n’ait été basé sur une révélation religieuse ou sur une croyance philosophique en une immanence métaphysique. Pour Nietzsche, les philosophes ont inventé la transcendance pour se protéger des angoisses de la condition humaine, liées aux changements incessants, au tragique et à la mort. La science est quant à elle incapable de donner naissance à une éthique personnelle, car elle n’intègre dans ses réponses ni la question du sens, ni la dimension de la subjectivité. Si la possibilité de trouver une réponse universelle s’éloigne, l’irrationnel habitant le cœur humain, bien plus que la raison, la nécessité subsiste de déterminer la ligne morale sur laquelle se tenir. Finalement l’affaiblissement des valeurs collectives n’a pas placé l’individu devant un vide, mais devant un trop plein de valeurs possibles. Puisqu’il n’est plus possible de s’accorder sur une même valeur absolue, il revient à chacun de construire le système qui donnera sens à sa vie et à sa mort. Gérard Mendel propose deux pistes : l’objectivation du réel et le psychofamilialisme dont l’explicitation apparaît des plus obscure. On pourra se référer aux concepts de Weber duquel l’auteur se dit proche : l’éthique de conviction (l’intention primant alors les conséquences des actes posés) et l’éthique de responsabilité (l’acteur devant rendre compte des actes posés).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°751  ■ 28/04/2005