La dignité humaine
Jean-François POISSON, éditions études hospitalières, 2004, 124 p.
S’il est bien une notion autant imprécise que confuse qui est galvaudée, mise à toutes les sauces et agitée comme une formule incantatoire, c’est bien celle de dignité. Aussi, le petit livre de Jean-François Poisson est-il le bienvenu dans son essai de clarification et de définition de ce concept. L’auteur commence par évoquer le mouvement « deep ecology » qui conteste l’existence même de la dignité humaine, en déniant à notre espèce tout droit à réclamer un traitement différent de celui des autres espèces vivantes et qui revendique l’abandon de toute prétention à l’épanouissement individuel au profit du respect global de la diversité et de la richesse naturelle. On retrouve la même démarche dans le mouvement de la libération animale qui dénonce le spécisme au même titre que le sexisme ou le racisme, accusant l’être humain d’instrumentaliser les autres espèces pour ses propres fins et lui refusant le droit de les hiérarchiser. L’auteur rappelle que si les végétaux ont la capacité de se nourrir, de croître et de se reproduire, les animaux ont la faculté supplémentaire de se mouvoir et de disposer d’une connaissance sensible. L’être humain dispose quant à lui de la capacité supplémentaire de penser l’universel et de se déterminer en choisissant lui-même les fins qu’il poursuit. C’est cela qui le fonde à réclamer pour lui-même des droits supérieurs à ceux qui sont accordé au reste du vivant. De là vient la spécificité de la dignité humaine qui « désigne la capacité d’être la cause responsable de ses actes, fondant immédiatement et de manière inconditionné l’obligation de respecter en soi comme en autrui la même qualité » (p.83). Ayant relégitimé la place de l’Homme dans l’univers, l’auteur s’attaque aux comportements qui contestent non la dignité humaine, mais sa présence chez tous les êtres humains. Si Saint Paule de Tarse a été le premier il y a deux mille ans à avoir clairement et définitivement proclamé que tous les hommes sont égaux (devant Dieu), cette affirmation est loin d’avoir été partagée par les générations qui lui ont succédé. Les partisans de l’esclavage ou des génocides considèrent que l’existence humaine est d’une valeur inégalée, qu’elle crée des droits et des obligations mais que cela ne concerne pas certaines catégories d’individus. C’est considérer que l’Homme n’aurait pas de valeur en lui-même, mais seulement en fonction de ce qu’il peut faire ou ne pas faire ou en fonction du regard d’autrui. L’auteur affirme avec force que la dignité humaine se réfère au simple fait d’être Homme, la nature biologique étant la seule source de sa légitimité. La dignité d’autrui s’impose à moi, quelque valeur que je lui confère, tout simplement parce qu’il est Homme. Cette qualité est liée à la valeur particulière partagée de façon universelle par toute notre espèce. Et rien ne peut garantir la réalité du respect de l’autre, si ce n’est le fait de se reconnaître obligé envers lui.
Jacques Trémintin – Non paru ■ déc 2005