De quoi se moque-t-on? Satire et liberté d’expression

 PASSARD Cédric et RAMOND Denis (sous la direction), 2021, Éd. CNRS, 393 p.

Si les vingt-deux contributeurs de ce recueil d’études universitaires décrivent l’ancienneté de la satire, depuis l’antiquité jusqu’à Charlie, en passant par Coluche ou le Canard, ils démontrent tout autant la persévérance de la suspicion qui l’entoure. Logique : rien ne serait pire pour elle de ne déclencher aucune émotion chez son lecteur-complice ou chez son ennemi. Mais pour être tributaires des normes du risible de chaque époque, l’humour, l’exagération et la caricature ont pour constante de se placer sur le terrain de la dénonciation publique, politique ou morale. Quoique s’attaquant avant tout aux détenteurs du pouvoir, il lui faut réussir à s’en prendre aux puissants, tout en épargnant les plus faibles. Bien sûr, aujourd’hui, l’atteinte aux bonnes mœurs n’est plus poursuivie par la justice. Elle a été remplacée, dans la plupart des pays, par la pénalisation des « discours de haine » qui peuvent se cacher derrière la satire. D’où la nécessité de définir le périmètre de ce qui en relève ou pas. Et d’être attentif à la remontée de la censure. D’abord, par la remise en cause du droit légitime au blasphème assimilé à une forme de racisme. Ensuite, par un souci de politiquement correct qui pousse à l’autocensure. Sans oublier ces groupes de pression identitaires cultivant l’idéologie victimaire et toujours prêts à crier à la stigmatisation.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1297 ■ 08/06/2021