A propos de la réforme des tutelles

Cahiers de l’Actif, 2007, n°376/377, 246 p.

La réforme des tutelles passée quasiment inaperçue en comparaison des deux autres textes votés le même jour (sur la protection de l’enfance et la prévention de la délinquance) fait l’objet du travail pédagogique remarquable de ce numéro des cahiers de l’Actif. La tutelle aux allocations familiales naît en 1942. Une loi en date de 1966 prévoit celle concernant les prestations sociales. En 1968, un autre texte législatif organise la protection des majeurs (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle). Les quelques dizaines de milliers de personnes alors concernées sont devenues aujourd’hui 800.000. Cette législation concerne toutes celles et tous ceux qui, par état, par pathologie, par déficience ou du fait d’un parcours de vie accidenté ou d’un évènement traumatisant se sont trouvés fragilisés. De la seule gestion des patrimoines, de la défense des intérêts juridiques ou de l’organisation des budgets personnels, le domaine d’intervention s’est progressivement élargi à des décisions humaines parfois délicates, voire des problématiques sociales très lourdes. Les tuteurs chargés de gérer les prestations familiales ou sociales se répartissent de moitié entre des membres bénévoles de la famille et des professionnels qui peuvent être travailleurs sociaux, psychologues, comptables, juristes, mais aussi anciens magistrats, médecins ou commissaires police à la retraite. L’exercice de cette fonction présente deux risques opposés : le délaissement ou l’appropriation. Mais, c’est bien le second qui a le plus marqué les esprits : plus grande est la protection, plus restreinte est la liberté. Beaucoup de tuteurs ont pu agir en pensant qu’ils avaient le droit et le devoir de prendre des décisions en lieu et place du majeur protégé. Avec quelques dérives à la clé : malversation, escroqueries, vols, extorsion de signature pour un testament ou le changement d’une clause bénéficiaire d’assurance vie, vente de biens immobiliers, abus de faiblesse… La nouvelle loi a cherché à répondre aux confusions d’un système à bout de souffle. Elle a commencé par inverser les priorités passées en privilégiant la protection de la personne sur la protection de ses biens. Elle affirme ensuite que le majeur a vocation à retrouver l’intégralité de ses droits : c’est dès maintenant qu’il faut donc l’associer à la gestion de sa vie et sa protection. Elle instaure encore une graduation des mesures de protection et une souplesse dans leur instauration ou leur renforcement : possibilité d’un contrat permettant d’être aidé dans son budget ou d’en confier la gestion, intervention judiciaire ponctuelle pour permettre le paiement du loyer, accompagnement judiciaire contraint, en cas d’échec de l’approche contractuelle. Dorénavant, les tuteurs devenus mandataires judiciaires seront garants du respect de la santé, de la sécurité et du bien-être physique et moral de la personne protégée.

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°881 ■ 17/04/2008