L’entreprise du XXIème siècle sera sociale (ou ne sera pas)
BORELLO Jean-Marc, BOTTOLLIER-DEPOIS François, HAZARD Nicolas, Éd. Rue de l’Echiquier, 2012, 317 p.
Voilà un ouvrage particulièrement bien construit, bien argumenté et bien écrit. Les auteurs y présentent « l’entreprise sociale », comme la synthèse de la libre entreprise, des services publics et de l’économie sociale et solidaire. L’entreprise capitaliste est, certes, source d’innovation et d’amélioration de la qualité, mais elle n’est tournée que vers l’accumulation égoïste des profits pour les seuls actionnaires. L’État providence agit dans le sens du bien commun, mais son action est marquée par la lourdeur et la rigidité, l’inertie et la faible efficacité. L’économie sociale et solidaire cherche à satisfaire le bien-être d’un groupe, mais refuse la logique du marché concurrentiel. L’entreprise sociale, quant à elle, s’appuie à la fois sur l’individualisme capitaliste et sur l’altruisme coopératif : on y produit pour soi et pour les autres. Si l’initiative et la créativité propres au privé sont réinvesties, c’est pour les utiliser dans une perspective d’utilité sociale. Les outils gestionnaires n’y sont pas mis au service de l’impératif comptable ou financier, mais toujours à celui de l’intérêt de la collectivité. L’efficacité recherchée et la quête de rentabilité ne se mesurent pas aux bénéfices monétaires obtenus, mais aux conséquences pour l’employabilité des salariés, pour l’environnement et pour le lien social créé. Si, dans l’entreprise classique, les salariés s’opposent aux actionnaires, quant à la répartition des richesses engendrées, dans l’entreprise sociale, la contradiction est bien entre l’intérêt des salariés et l’impact pour le bien être de la société. Le sens trouvé par le salarié au travail accompli et la satisfaction retirée de son utilité sociale contribuent d’autant plus à apaiser cette opposition, qu’il ne constitue jamais la variable d’ajustement à la rentabilité recherchée. L’entreprise sociale ne peut se concevoir sans un strict encadrement de sa lucrativité. Les dividendes des actionnaires, qui investissent dans son capital doivent impérativement être limités. Les plus values doivent être rendues impossibles, lors de la revente des actions. L’échelle des salaires y est circonscrite. L’expansion de l’entreprise est prônée, dans la mesure où celle-ci peut accroître l’impact social et améliorer la qualité de service. Idéal-type de ce qui est défendu ici, l’entreprise d’insertion qui combine la gestion d’une production de biens ou de services proposés sur le marché concurrentiel et la recherche d’objectifs sociaux et environnementaux. Plusieurs exemples présentés dans l’ouvrage montrent que l’entreprise sociale existe déjà. Est-elle le modèle d’avenir pour une économie de marché respectueuse de l’humain ? C’est ce qu’affirment les auteurs. On aurait envie d’y croire.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1084 ■ 29/11/2012