Ah Dieu! Que la guerre économique est jolie

Philippe Labarde et Bernard Maris, Albin Michel, 1998, 295 p.

Sur le ton d’un pamphlet polémique et incisif, voilà une attaque en règle contre l’une des idéologies les plus dangereuses de cette fin de siècle : le néo-libéralisme. Les dégâts provoqués par ce nouveau dogme sont considérables : les fonctionnaires sont des planqués, les smicarts de honteux privilégiés, les assurés sociaux des nantis et les chômeurs des paresseux qui s’accrochent à leurs allocations … Comment en est-on arrivé là ? Pendant des années, on n’a pas arrêté de nous parler d’une guerre économique mondiale, les entreprises étant les armées devant nous faire gagner ce conflit. Il fallait donc tout sacrifier pour le front en favorisant avant tout leur compétitivité. Par-dessus bord la protection sociale, hors de propos le salaire minimum, inacceptable la législation du travail. Alain Minc ose affirmer que si depuis 1973, les Français avaient accepté  35 au lieu de 40% d’augmentation de leur pouvoir d’achat, on aurait pu sauver 1 million d’emplois. Il se garde bien de parler du pouvoir d’achat des actions qui dans le même temps a augmenté de 500 % ! Quant à l’Etat-providence, on lui reproche avant tout  de tuer l’initiative pas ses impôts… Sauf quand il dépense des milliards de subventions, de crédits de recherche et développement, d’infrastructure ou d’aide à l’embauche (un emploi créé par des mesures de baisse des charges coûte à la collectivité de 200.000 à 1 million de Francs).

Alors, ça suffit comme cela : il est temps de crier bien fort que “ le libre-échange asservit, que la concurrence tue la liberté, que la mondialisation économique est une imposture égalitaire, qu’à la dictature policière de l’Est se substituent la brutalité des marchés et la tyrannie des financiers ” (p.49). Depuis 1974, le Produit Intérieur Brut mondial est passé de 11.000 à 19.000 milliards de $ (en Dollars constants). Mais au lieu d’être répartie harmonieusement et équitablement, cette manne a été l’occasion pour les plus riches d’être encore plus riches et les plus pauvres d’être encore plus pauvres. “ Tout ce que nous avons fait depuis la guerre froide est d’avoir remplacé la bombe nucléaire par une bombe sociale ” explique Juan Somavia, diplomate chilien, spécialiste du développement social.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°442 ■ 14/05/1998