Derrière les barreaux

Christophe Lambert, édition Michalon, 1999, 189 p.

Christophe Lambert est un drôle de surveillant de prison. Il ne joue par la manière forte en traitant les détenus comme du bétail, profitant de son uniforme pour rouler des mécaniques. Il ne se comporte pas non plus comme ces j’en-foutiste qui n’ont qu’une envie, c’est de finir leur journée de travail, en ne s’intéressant à rien de ce dont ils peuvent être témoin. Il ne partage pas non plus la vision de ses collègues qui sont « règlement, règlement » et qui vivent dans la passivité, attendant que les heures passent. Il méprise ces bureaucrates qui n’ont aucune envie d’aller voir ce qui se passe derrière la porte de leur bureau et n’ont aucune idée de la façon dont fonctionne une détention.  Christophe Lambert sait faire preuve d’autorité. Il assume l’aspect répressif de son métier. Seulement, il pense « qu’il nous faut montrer qu’on peut avoir un rôle qui soit quelque chose de plus qu’ouvrir et fermer les portes. Que par le dialogue, l’écoute, on peut aider les gars à s’en sortir, du moins ceux qui le souhaitent vraiment. Montrer aussi que tous les matons ne sont pas des gardes-chiourme et tous les détenus, des fauves. »  (p.157) En un mot, il n’a guère le profil demandé par une administration qui veut surtout de ses subordonnées qu’ils rentrent dans le moule en ne faisant surtout pas de vagues, quitte à couvrir les pires dysfonctionnements. Ce n’est guère le cas pour notre auteur qui prétend agir en conformité avec sa conscience et l’idée qu’il se fait de sa mission. Ainsi, lorsqu’il a connaissance d’un trafic de téléphones mobiles cellulaires et de fax dans le quartier des isolés (celui qui regroupe les personnalités, hommes politiques, notaires et artistes …) qui se développe grâce à la corruption de certains gardiens et même de chefs, il refuse la loi de l’omerta et contribue à démanteler le réseau. Il ne peut admettre que de telles dérives viennent salir sa profession, même s’il reconnaît que « peut-être l’impression d’abandon que nous avons d’être un corps d’administration ‘mal aimé’, mis de côté, discrédité, explique-t-il en partie leur geste impardonnable »(p.65). Lorsqu’un détenu lui révèle qu’il vient de subir un viol de la part de l’homme avec qui il partage sa cellule, Christophe Lambert fait le nécessaire, non pour étouffer l’affaire, comme c’est l’habitude, mais pour faire éclater la vérité. Cela ira jusqu’au procès du violeur. Quand il se propose de témoigner, sa directrice exigera qu’il prenne sur ses congé payés pour se rendre au palais de justice ! Peu de temps après, poussant l’irresponsabilité à son comble, l’administration pénitentiaire ne trouve rien de mieux que de placer un nouveau détenu de 20 ans dans la cellule du violeur à peine sorti de 45 jours de mitard ! Il faudra une menace de Christophe Lambert de prévenir la presse pour que l’individu soit enfin transféré. Décidément, voilà un gardien dangereux pour la bureaucratie mais qui pourrait bien préfigurer une façon éthique d’exercer ce métier.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°511  ■ 09/12/1999