Chroniques de l’enfance en danger

Odile BARRAL, Le Cherche midi éditeur, 1997, 183 p

Six années durant Odile Barral a exercé comme juge des enfants dans le sud-ouest de la France. Au point qu’elle a eu envie d’en faire un livre. «Chroniques de l’enfance en danger» nous invite à un périple, à un véritable voyage au pays de la misère et de l’insolite, de la détresse et de la tendresse. Tous les drames nous sont contés: inceste, délinquance, problèmes familiaux, violence. Mais que de personnalités attachantes. Ces gosses perdus, le magistrat les gardera longtemps dans sa mémoire: Raphaël et son rat apprivoisé, William et ses parties de skate-board dans la cour du palais, Stéphanie, la voleuse d’anges funéraires dans les cimetières qui confiera à une éducatrice au moment de son départ: «cette juge, qu’est-ce que je lui en fais voir ! Mais qu’est-ce que je l’aimais bien finalement !». Cette place de juge amène à tout faire: standard, vaguemestre, convocation et notification urgentes, frappe des décisions qui ne peuvent pas attendre... la masse de travail est faramineuse, les moyens disponibles si modestes. Juge des enfants constitue la fonction de la magistrature qui connaît le plus fort taux de rotation. Mais le rôle dévolu le plus important est bien finalement que l’on soit homme ou femme, cette fonction paternelle, par ailleurs si négligée. Quand il ne reste plus rien ... il reste encore au jeune «son» juge. Autrefois, une autorité ferme répondait aux recherches de limites et de repères des enfants et des jeunes. Aujourd’hui, on attend leur demande, au risque parfois de les laisser en crever.

Juge des enfants, c’est la défense des mineurs en danger. Prendre une mesure de protection s’impose parfois. Il arrive malheureusement que l’intervention soit trop tardive tel cet enfant de 4 ans brûlé vif dans l’incendie déclenché accidentellement par sa mère alcoolique à la veille du jour prévu pour le placement.

Juge des enfants, c’est aussi rappeler la loi à des jeunes placés dans cet âge du défi qui prennent un malin plaisir à se confronter à l’autorité. Ainsi de Stéphane venu un mercredi se faire juger au volant d’une voiture volée !

Juge des enfants, c’est faire face aux couches les plus défavorisées de la population. Mais, c’est aussi être confronté aux classes plus élevées telle cette famille de militaires qui du grand-père général au père lieutenant-colonel font vivre la violence conjugale et ne laisse comme seule alternative aux enfants que d’aller se réfugier dans les internats scolaires. Aussi stricts soient-ils, ceux-ci procurent encore plus de tranquillité et de sérénité que la vie de famille !

Le récit d’Odile Barral donne à voir un magistrat plein d’humanité, de patience et du souci de l’ « intérêt de l’enfant ». La réalité du terrain est bien plus complexe avec son lot de dévouement mais aussi parfois d’inexpérience, d’hésitation, voire d’incompétence. Mais a-t-on déjà vu un juge des enfants honni écrire ses mémoires ?

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°406 ■ 10/07/1997