Le guide du prisonnier
Observatoire International des Prisons, Editions de l’Atelier, 1996, 349 p.
Ce guide n’est subversif que dans la mesure où est subversif le fait de mettre à disposition du citoyen même incarcéré la connaissance de ses droits. Sa consultation par le détenu et sa famille (sans oublier les travailleurs sociaux ou avocats l’ayant en charge) permet de répondre à une foultitude de questions et de problèmes. Présenté d’une manière attractive et utile, chacun peut y trouver son compte.
Ainsi de distinction entre les 118 Maisons d’Arrêt (destinées aux prévenus et aux condamnés à moins d’1 an de peine) les 6 Maisons Centrales (détenus considérés comme dangereux, récidivistes ou longues peines) et les 25 Centres de Détention (accueillant des condamnés présentant des perspectives de réinsertion les meilleures). Les 23 Centres Pénitentiaires quant à eux, regroupent au moins deux des trois quartiers à régime de détention différents présentés à l’instant.
Puis, se trouvent clairement décrits les différents interlocuteurs du prisonnier qu’il soit prévenu ou jugé: juges (d’instruction ou d’application des peines), surveillant, greffier, personnel médical ... sans oublier les travailleurs sociaux: « dans un grand établissement comme Fresnes, chaque travailleur social gère en moyenne 100 dossiers par an, il lui est donc très difficile de réaliser un suivi effectif de chaque détenu » (p.28)
Viennent ensuite de précieuses informations sur le jugement: importance de l’avocat, déroulement de l’instruction et de l’audience. « Une jurisprudence a décidé que la composition de la juridiction ne se trouvait pas viciée par le sommeil d’un juge. Il a été en effet jugé qu’un juge qui ferme les yeux ne dort pas, mais ’’réfléchit’’ » (p.61)
La vie en prison quant à elle, se fait au rythme de la surpopulation. Chaque détenu doit théoriquement bénéficier d’une cellule individuelle « face à une situation identique d’inflation carcérale, les Pays Bas ont adopté le système du numerus clausus selon lequel aucune personne ne peut être incarcérée si elle ne peut disposer d’une cellule individuelle. Ce qui conduit les autorités hollandaises à remettre un détenu en liberté chaque fois qu’une nouvelle incarcération nécessite une place libre » (p.82)
Seul contact possible avec l’extérieur, le parloir dont peuvent bénéficier prévenus et condamnés selon des conditions différentes. Deux établissements mettent officiellement des parloirs intimes à disposition des détenus permettant des relations sexuelles avec leur femme.
Les droits du détenu passent par la possibilité de présenter une requête ou une plainte au chef d’établissement et un recours auprès des autorités tant administratives que judiciaires. L’ouvrage consacre de nombreuses pages à la portée, aux limites et aux modalités de ces procédures. Ainsi, Pascal Marie, détenu à la Maison d’Arrêt de Fleury Mérogis s’était vu infliger 8 jours de punition de cellule avec sursis pour s’être plaint par écrit auprès de l’inspection des affaires sanitaires et sociales du fonctionnement du service dentaire. Le détenu a alors fait appel auprès du directeur régional de l’administration pénitentiaire tout d’abord, puis du tribunal administratif qui confirmèrent la sanction. C’est finalement le Conseil d’Etat qui lui donna raison le 17 février 1995, annulant cette mesure pour abus de pouvoir.
Question intéressante à l’issue de la lecture de ce guide: l’administration a-t-elle prévu d’en garnir les rayons des bibliothèques de ses établissements ?
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°396 ■ 01/05/1997