Justice des mineurs et sanctions alternatives – A propos des Prestations éducatives et philanthropiques pour des mineurs auteurs d’abus sexuels
Yves CARTUYVELS, Edition Jeunesse & droits, 2000, 191 p.
Voilà un ouvrage intéressant à plus d’un titre. En premier lieu, on y retrouve des préoccupations, qui pour n’être pas hexagonales, n’en sont pas moins très proches des nôtres. Ensuite, la rétrospective qui y est faite de l’évolution du droit des mineurs belge est pleine d’enseignements. Et puis, l’expérience présentée ici, de ces services qui appliquent depuis de nombreuses années ce qu’on vient de découvrir en France est très enrichissante (la réparation pénale s’appelle là bas « Prestation éducative et philanthropique » et a été intégrée à la loi dès 1965). Mais, nous retiendrons surtout la synthèse concernant le choc des modèles de traitement pénal des mineurs. Libre arbitre et discernement constituent les critères autour desquels pivotent le régime pénal des adultes et celui des mineurs. Dès le droit romain ou le code criminel de Charles Quint (1532) a été posé le principe de présomption d’irresponsabilité ou de responsabilité partagée en fonction des seuils d’âge. La question de la sécurité et de la lutte contre le crime s’est trouvée surdéterminée dès le début du XX ème siècle par les politiques sociales, familiales et de prévention : protéger la société passe alors, par des actions visant à réformer les penchants pervers de l’enfant, en lui évitant des promiscuités pernicieuses et des influences démoralisatrices. C’est ainsi que se met en forme une justice paternelle et tutélaire qui « substitue au glaive d’un juge machine le gant de velours d’un juge entraîneur à la fois père et confesseur, éducateur et préventologue » (p.25) Cette tendance s’accentue aux lendemains des la seconde guerre mondiale, sous l’influence entre autre, d’acteurs politiques qui ont connu les camps de concentration. A la défense de l’ordre établi succède la recherche d’une politique humanisante de réhabilitation du délinquant. Le centre de gravité se déplace de l’état dangereux de l’enfant à l’état de danger : c’est le modèle protectionnel. L’augmentation de la délinquance des mineurs va donner un nouveau souffle au modèle sanctionnel qui avait été remisé et qui réclame l’abandon du principe de non-discernement et le retour à une réaction proportionnée à l’infraction. Cette réémergence surfe sur l’argumentation du besoin du public pour la sanction ostentatoire ou encore sur la déresponsabilisation de jeunes abandonnés au sentiment d’impunité. C’est alors qu’émerge un troisième modèle appelé restaurateur qui revendique que la place des victimes soit au centre du processus pénal, faisant ainsi passer au deuxième plan la logique de dissuasion (modèle sanctionnel) et la rééducation du mineur (modèle protectionnel). Sanctionner l’infraction, réparer le dommage causé ou resocialiser le délinquant sont dès lors les trois objectifs qui divisent le monde judiciaire.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°581 ■ 21/06/2001