Victimologie - De l’effraction du lien intersubjectif à la restauration sociale
Robert CARIO, L’Harmattan, 2000, 246 p.
Pendant une longue période historique qui va d’Athènes jusqu’aux XIVème- XVème, les victimes étaient partie prenante des procès de leurs agresseurs. De nombreuses techniques d’échange et de compensation animées par des apaiseurs, des conciliateurs et autres arbitres leur permettaient alors d’être reconnus et de bénéficier de réparations. C’est la volonté d’imposer son autorité politique, qui va pousser l’Etat à s’arroger le monopole de la réaction pénale. Cette réponse atteint l’infracteur dans son corps et dans ses biens mais sans beaucoup de considération pour la victime. L’action civile lui est toutefois reconnue -mais uniquement au titre de l’indemnisation- à partir de 1808 et l’assistance d’un avocat à compter de 1921. La véritable prise de conscience est intervenue dans une période très récente qui date de la moitié du XXème siècle. C’est un authentique bouleversement du droit des victimes qui a émergé, amenant à se rendre compte que les « négligences accumulées dans le respect des droits des victimes constituent une victimisation secondaire, souvent plus cruelle encore que l’agression primaire. » remarque Robert Cario dans son dernier ouvrage consacré à la victimologie, cette nouvelle science qui oscille entre l’approche juridique, biopsychologique et sociologique. Face aux premières recherches sur les victimes qui soupçonnaient celles-ci d’être responsables de leur propre agression, des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années quant à leurs droits : droit à la reconnaissance, à l’accompagnement et à la réparation que prennent en charge plus de 150 associations regroupées au sein de l’INAVEM. Mais, cette amélioration ne pourra se concrétiser qu’à condition qu’à la justice distributive actuelle (qui attribue les peines en fonction des infractions) vienne se substituer la justice restaurative. En effet, si l’activité criminelle a décru depuis 150 ans, passant de 5.000 condamnations en 1850 à 2.500 dans les années 1990 (la population s’étant multiplié dans le même temps par 1,8), parallèlement, l’institution judiciaire s’est trouvé littéralement engorgée par des atteintes liées à la délinquance dite de masse qui pour être moins grave (98,81% est dirigé contre les biens avec seulement 0,021% de crime de sang), n’en est pas moins à l’origine du sentiment d’insécurité. Et ce, au point d’aboutir au classement sans suite de 8 plaintes sur 10. D’où la proposition d’une prise en charge complètement différente des conflits qui permette d’accéder à une véritable réappropriation de la procédure pénale et ainsi « d’offrir à la victime la réparation la plus globale et durable possible au délinquant la (re)socialisation la plus globale et durable possible, à la société la restauration la plus globale et durable » (p.41). La meilleure illustration de ce modèle est peut-être la médiation pénale, trop peu utilisée encore.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°564 ■ 15/02/2001