Habiter après la prison

BARNET Jean-Noël, Éd. L’Harmattan, 2021, 204 p.

Quelle capacité d’habiter reste en soi, après une incarcération marquée par la sujétion et la soumission, l’aliénation et la surveillance, la violence et l’infantilisation, la contrainte domestique et la promiscuité ? Les défis à relever, explique Jean Noël Barnet, éducateur spécialisé en CHRS, consiste bien à se réapproprier la capacité à être seul et à affronter le monde extérieur, à gérer son espace personnel et son propre rythme, à réaménager les limites physiques et psychiques entre soi et les autres. L’accompagnement des femmes sortant de prison prises en charge en hébergement social (public cible de son étude) doit être assez cadrant et sécurisant pour atténuer leurs angoisses. Mais, il se doit tout autant d’être suffisamment souple pour ne pas reproduire potentiellement les pressions de cet enfermement carcéral qui détruit les intimités, perturbe les repères spatio-temporels et plonge dans une mécanique de temps vide à la fois réglé, suspendu, ralenti et incertain. L’investissement d’un nouveau lieu de vie doit permettre de reconstruire son territoire personnel, promouvoir une cohabitation rompant avec les modalités d’adaptation de la prison et rassurer l’appréhension du retour à la vie ordinaire. Le CHRS présente le paradoxe de s’inscrire dans le provisoire, quand le besoin est si fort de se projeter dans la continuité et de ne pas accorder de statut d’habitante, quand le besoin est si puissant de s’enraciner dans une permanence identitaire. C’est pourquoi l’espace-temps de transition qu’il propose est une étape dans un parcours résidentiel, privilégiant d’abord une adaptation progressive ; préparant à la maîtrise de l’espace et à la régulation des conduites ; protégeant des dangers potentiels ; contenant les inquiétudes ; apportant une socialisation ; permettant de se projeter.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1318 ■ 24/05/2022